"J'assume tout": au procès de l'attaque à Condé-sur-Sarthe, l'assaillant Michaël Chiolo "ne regrette rien"

Michaël Chiolo lors du procès de l'attaque à la prison de Condé-sur-Sarthe, le 2 juin 2025 à Paris. - Benoit PEYRUCQ / AFP
Au premier jour de son procès, le 2 juin, Michaël Chiolo avait déjà affirmé avec assurance qu'il ne regrettait rien. "Je ne le regrette absolument pas", avait-il déclaré avant de se lancer dans une diatribe louant l'État islamique et fustigeant le système carcéral français. Deux semaines plus tard, ni les témoignages des victimes, ni les questions de la cour n'auront réussi à le faire fléchir. Michaël Chiolo n'en démord pas: ce jeudi 19 juin, au Palais de justice de Paris, il "assume tout" et "ne regrette rien".
L'homme purgeait une peine de 30 ans de réclusion lorsque, le 5 mars 2019, il s'en est pris à deux surveillants pénitentiaires, avec sa compagne, au sein de la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne).
Armé de couteaux en céramique, le couple s'était jeté sur Yannick W. et Olivier W. avant de se retrancher pendant 10 heures dans une Unité de vie familiale (UVF), sorte d'appartement dans lesquels les détenus peuvent, sur demande, passer quelques heures en compagnie de leurs proches à l'intérieur de la prison. Le Raid avait fini par lancer l'assaut en début de soirée. Si Michaël Chiolo s'en est sorti avec des blessures, sa conjointe, Hanane Aboulhana, n'a pas survécu.
Discours à la gloire de l' État islamique
Ce jeudi, Michaël Chiolo revient longuement sur son parcours et sa radicalisation en détention. Pendant près de trois heures ce jeudi, t-shirt de sport gris, barbe fournie et cheveux très courts, l'homme donne l'impression qu'il s'exprime depuis une tribune plutôt que du box des accusés. Sûr de lui, jamais dans la confrontation, il répond aux questions de manière calme et claire, sourit quelquefois, assez détendu. Il n'est là ni pour se défendre, ni pour nier, mais pour expliquer les raisons de son passage à l'acte.
Invoquant des proverbes de son invention, il débite des discours à la gloire de l' État islamique, auquel il a prêté allégeance dès 2016 et dit cautionner "tout ce qu'a fait l'Etat islamique de A à Z".
"Si on ne se repent pas, comme vous dites, on est assassiné, torturé, égorgé?", le questionne la présidente. "Exactement", répond Michaël Chiolo.
Campant sur sa position, il ne laisse entrevoir aucune faille si ce n'est son enfance, dont il refuse de parler. Né dans une famille d'origine italienne qu'il dit "raciste" à l'égard des musulmans, il reconnaît seulement avoir manqué de "repères" étant petit. "J'avais besoin de donner un sens à ma vie, et ça a pris cette voie-là", détaille l'accusé.
Au lycée, il crée un groupuscule d'extrême droite et rassemble autour de lui une dizaine d'adolescents. À ses 18 ans, en 2009, sa famille coupe les ponts. Il tombe alors dans la délinquance, enchaîne les vols, les braquages et les cambriolages: "Je vivais ici et ailleurs, et surtout nulle part. Ma vie, c'était la criminalité. (...) C'était mon activité professionnelle."
Radicalisation en détention
Il se convertit à l'islam en 2010. Deux ans plus tard, il est incarcéré, condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour un violent cambriolage chez un octogénaire qui sera ensuite retrouvé mort, asphyxié après avoir été séquestré par les malfaiteurs. C'est à partir de là, en détention, que Michaël Chiolo découvre une pratique plus rigoriste de l'islam.
En prison, il se renseigne, lit des livres et se radicalise. Il rencontre notamment Chérif Chekatt, auteur de l'attentat terroriste du marché de Noël de Strasbourg en 2018, et se lie d'amitié avec lui. Pendant l'attaque des deux surveillants, en mars 2019, il dira qu'il a agi pour "venger" la mort de ce dernier. Le 18 novembre 2015, il passe en comparution immédiate, soupçonné d'avoir demandé à des codétenus de "rejouer" l'attaque du Bataclan dans la cour de promenade de la prison. "Je ne sais pas ce qu'il s'est passé", répond-il simplement aujourd'hui.
À plusieurs reprises, il se retrouve en quartier disciplinaire ou à l'isolement, "un trou à rat" selon lui. "J'avais l'impression qu'on était en train de m'emmurer vivant", lance-t-il. Insalubrité ("les cafards qui rentrent dans votre bouche"), violences des surveillants ("le racisme et les coups")... Michaël Chiolo déploie une série de reproches à l'adresse de l'administration pénitentiaire. "L'isolement carcéral, c'est fait pour mater les détenus", évoque-t-il encore.
C'est d'ailleurs lors d'un passage à l'isolement "que le projet de tuer un surveillant pénitentiaire a commencé à mûrir", explique l'accusé. Il attendra cependant plusieurs mois avant d'en parler à Hanane Aboulhana et de la greffer à son plan.
"Nous avons choisi cette voie-là, je l'assume"
Michaël Chiolo commence à échanger avec la jeune femme en 2014, via un site de rencontres, alors qu'il est en détention. "Quand j'ai commencé à parler avec elle, on a eu l'impression qu'on se connaissait depuis toujours. Sur le plan du caractère, on était fait l'un pour l'autre", avance-t-il. "Elle cherchait un mari qui était capable de cheminer avec elle dans sa spiritualité, dans la religion." Ils célèbreront un mariage religieux trois ans plus tard, au sein de Condé-sur-Sarthe.
Au contact de Michaël Chiolo, Hanane Aboulhana adopte des pratiques religieuses de plus en plus rigoristes, raconteront ses proches pendant l'enquête. En janvier 2018, il lui présente son plan d'attaque et lui propose d'y prendre part. "Je ne voulais pas qu'elle accepte par amour, mais par convictions", évoque-t-il. Quelques jours plus tard, elle revient vers lui: c'est d'accord, elle prendra part au projet. "J'ai su qu'elle allait aller jusqu'au bout. À aucun moment, je n'ai douté d'elle", affirme Michaël Chiolo.
"Ça a été un honneur d'avoir été son mari. Je l'aimais de tout mon coeur, j'ai jamais aimé une personne comme ça", relate-t-il encore. "Il n'y a pas un seul jour où je ne pense pas à elle."
Pour autant, il ne "regrette" pas de l'avoir embarquée dans son projet d'assassinat: "Si c'était à refaire, je lui dirais exactement les mêmes mots. (...) Je suis peiné de sa disparition, mais nous avons choisi cette voie-là, je l'assume."
Lors du ce procès, quatre autres hommes sont soupçonnés d'avoir été au courant de son projet, voire de l'avoir aidé à le mettre à exécution. Poursuivi pour "tentative d'assassinat sur personnes dépositaires de l'autorité publique, en lien avec une entreprise terroriste", Chiolo encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 4 juillet.