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"J'ai été poussé à la désertion et au suicide": un soldat du 8e RPIMA de Castres raconte les violences dont il a été victime

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DOCUMENT BFMTV - Quatre plaintes ont été déposées à l'encontre du ministère des Armées et d'une quinzaine de cadres du RPIMA pour des faits de harcèlement moral et de violences. Une des victimes a témoigné pour BMFTV.

Alors qu'il rêvait depuis l'enfance d'intégrer le 8e régiment des parachutistes d'infanterie de marine de Castres, Clovis dit avoir été victime de harcèlement de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Insultes, bizutage, humiliation publique... Dans un témoignage exclusif donné à BFMTV, ce jeune militaire a décidé de briser l'omerta et de raconter les violences physiques et psychologiques répétées dont il a été victime au sein de son infanterie.

"Tu es une merde! Ne t'inquiète pas, je vais faire en sorte que tu arrives dernier de ta formation", lui disait un supérieur.

Dès son entrée au RPIMA en juillet 2021 et pendant près de quatre ans, ce jeune militaire affirme avoir été régulièrement "poussé à la désertion et au suicide". "J'étais au moins fier d'avoir sauté en parachute, ça ils ne pourront pas me l'enlever", assure-t-il. Parmi les sévices dont il est victime, le jeune homme raconte qu'il était contraint de passer des "tests" qui prenaient la forme de bizutage.

En arrêt maladie depuis fin 2024

"Ils (les cadres militaires) prennent un verre et ils mettent plein de trucs là dedans: de l'alcool, des poils de bite, du sperme". La mixture doit ensuite être ingérée par la jeune recrue, "une tradition" dans sa section précise Clovis.

Mais le militaire refuse. "Moi, je dis: 'non je ne le ferai pas ça' et ils disaient: 'ah, on va voir si tu ne veux pas faire ça'". En refusant de se soumettre au bon vouloir de ses bourreaux, Clovis était alors livré à des punitions collectives perpétrées par ses camarades.

Vendredi 9 mai, quatre plaintes ont été déposées auprès du parquet de Paris à l'encontre du ministère des Armées et contre une quinzaine de supérieurs hiérarchiques, selon une enquête de France 2.

Parmi les plaignants, trois ont depuis quitté l'armée. Clovis, lui, est pour l'heure en arrêt maladie depuis fin 2024.

Des enregistrements compromettants

En septembre de 2023, Clovis est agressé par trois cadres de sa section. "J'arrive dans une chambre, ils sont trois. Le chef de section commence son discours.: 'Là, en gros, on va te péter la gueule'. Il me bascule en arrière, il m'étrangle et m'empêche de respirer. Il est dans mon dos", se remémore Clovis.

Dans des enregistrements réalisés par ses camarades, consultés par BFMTV, on peut entendre très clairement les cadres de son régiment tenir des menaces à l'encontre du Clovis. "Mais bien sûr qu'on en a après toi (...)", lance un des ses supérieurs.

"Tu vas devenir la pute de la compagnie jusqu'à ce que j'en ai marre", peut-on encore entendre dans l'audio.

"Pas de chance pour toi, j'ai une patience vieux (...) Si tu veux, tu as une option, c'est que tu désertes. C'est la seule option que tu as si tu ne veux pas que je transforme ton trou de balles en un hangar à A400M", poursuit-il.

Si Clovis a choisi de briser le silence auprès de BFMTV, il assure ne pas être le seul concerné par ce harcèlement. Selon lui, un de ses camarades aurait fait une tentative de suicide lors d'une mission en Romanie.

Une enquête ouverte par l'armée

Vendredi 9 mai, quatre plaintes ont été déposées auprès du parquet de Paris à l'encontre du ministère des Armées et contre une quinzaine de supérieurs hiérarchiques.

"C'est une action de jeunes hommes extrêmement courageux qui souhaitent non seulement dénoncer les faits graves dont ils ont été victimes mais également que des mesures soient prises pour que les pratiques changent", a réagi auprès de l'AFP leur avocat, Me Thibault Laforcade.

Dans un courrier, consulté par l'AFP, et adressé au ministre des Armées, Sébastien Lecornu, Me Laforcade appelle à "prendre toutes les mesures qui s'imposent pour remédier à ces difficultés systémiques" au sein de l'armée.

Au total, ils seraient une vingtaine de soldats et d'anciens soldats à avoir subi du harcèlement ou des violences, selon l'avocat.

À l'issue de ces révélations, une enquête a été initiée par l'armée de Terre pour faire la lumière sur cette affaire. "Si ces faits sont avérés, des sanctions disciplinaires lourdes seront prises à l'encontre des responsables", a assuré le ministère des Armées auprès de l'AFP, assurant prendre "très au sérieux ces accusations" qu'il dit "condamner fermement".

Vincent Hénin avec Orlane Edouard