Islam radical : "Ils ont l'impression de prendre le maquis"

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Des jeunes âgés de 20 à un peu plus de 30 ans, au passé souvent délinquant et séduit par un islam radical... Le coup de filet de samedi a mis en exergue un profil de djihadiste en puissance qui n'est pas sans rappeler Mohamed Merah. Qui sont ces nouveaux radicaux ? Quelles sont leurs motivations ? Combien sont-ils ? Alain Rodier, directeur de recherche auprès du Centre français de recherche sur le renseignement, ancien officier supérieur des services du renseignement français, nous livre des éléments de réponses.
Existe-t-il un profil type de ces personnes en phase de radicalisation ?
Ce serait pratique. Mais, malheureusement, chacun a un parcours personnel. En tirant des généralités, on remarque qu'il s’agit de jeunes branchés par la criminalité qui ont basculé dans l’islam radical en suivant un processus qui est connu depuis des années.
L’actualité récente donne l’impression que le phénomène est en train d’émerger. Est-ce le cas ?
Non, on focalise dessus avec ces arrestations ou le cas de Mohamed Merah, mais ce passage de la petite délinquance à la radicalisation est tout à fait classique. Ces jeunes qui se livrent à différents trafics criminels ne se sentent pas valorisés. Pécuniairement, c’est très valorisant, mais pas individuellement. En passant à l’islam radical, ils ont l’impression de "prendre le maquis" et ils valorisent leur vie et lui donne un sens moral, quitte à le payer de leur vie. On peut remarquer queJérémie Louis-Sidney (NDR tué dans l'opération de samedi lors de son interpellation) menait, lui, une vie "dissolue", qui buvait de l’alcool etcetera, a basculé car il cherchait autre chose. Sur le plan psychologique, c’est très intéressant à étudier.
A-t-on une idée du nombre de personnes susceptibles de préparer ainsi des actes terroristes ?
Il est impossible de donner un chiffre. Je serais extrêmement prétentieux si je m’avançais sur ce point. Il est même très hasardeux de vouloir donner un pourcentage sur les délinquants qui risquent de basculer dans l'islam radical. Notre ministre de l’Intérieur a parlé de plusieurs dizaines d’individus, voire de plusieurs centaines, ça montre bien qu’on est dans le flou.
D’où proviennent ces jeunes ? On a vu avec ces interpellations qu'aucune région n'était plus particulièrement visée...
Le "vivier", si l’on peut s'exprimer ainsi, se trouve dans les quartiers défavorisés. Ces jeunes habitent généralement autour des grandes villes. Tout ça est lié à un autre phénomène qui est celui des cités. Il suffit de suivre la carte des zones de non-droit, qui s'étalent du nord au sud du territoire.
Cécile Duflot parlait dimanche de "dérive sectaire", pensez-vous que l'on se situe dans ce cadre là ?
Oui, le parallèle n'est pas dénué d'intérêt car ce sont des gens qui sont influencés par d'autres personnes, qui leur passent des films de propagande que l'on voit sur Internet où l'on voit des jihadistes s'entraîner, voire mener des coups de main en Irak ou en Afghanistan. Il existe une sorte de bourrage de crâne qui ressemble tout à fait aux procédés employés par les sectes.