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Police-Justice

Isère:la maltraitance répétée de détenus épinglée

L'administration était au courant, estime l'OIP.

L'administration était au courant, estime l'OIP. - -

Sur 20 détenus entendus par l'Inspection des services pénitentiaires, 17 ont fait état de violences physiques.

Coups de poing et de pied, fractures du nez, traumatisme crânien: l'Observatoire International des Prisons a révélé, jeudi, des violences commises par des surveillants à la prison de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère en 2009-2010, en dénonçant "le silence des autorités" après une nouvelle affaire au printemps.

Parmi sept personnels placés en garde à vue en avril 2013, trois avaient déjà été visés par un rapport confidentiel de l'Inspection des services pénitentiaires (ISP) établi en mars 2011, que l'OIP a rendu public jeudi. Sur 20 détenus entendus par l'ISP, 17 ont fait état de violences physiques entre avril 2009 et juillet 2010. Dans quatre cas, leurs allégations ont été attestées par des certificats médicaux. Dans leur rapport, les inspecteurs de l'administration pénitentiaire mettaient en cause 13 personnels, dont quatre membres de l'équipe de direction de l'époque, remplacée en septembre 2011.

A l'époque des faits, "au moins sept" cas avaient été signalés au parquet selon l'OIP, mais un seul avait donné lieu à une information judiciaire et à la condamnation d'un surveillant à une peine de trois mois de prison avec sursis.

"Un coup de boule", "du sang partout"

Après les révélations de l'OIP, le Défenseur des droits (DDD) a indiqué jeudi avoir subi des entraves de l'administration pénitentiaire dans une enquête de ses services sur ces mêmes faits de maltraitance, dont il avait été saisi en juin 2010. "Le DDD a donné jusqu'à la mi-juillet à la ministre de la Justice Christiane Taubira pour répondre" sur ces "carences de l'administration pénitentiaire" qui "ont entravé la mission de contrôle" du Défenseur", a averti Antoine Grézaud, directeur de cabinet du Défenseur, Dominique Baudis.

Les témoignages de détenus cités par l'OIP et certifiés par des médecins et d'autres témoins évoquent "des coups de poing, coups de pied", des tentatives "d'étranglement", "un coup de boule", "du sang partout"... Au quartier disciplinaire du centre pénitentiaire, les inspecteurs de l'ISP avaient aussi relevé la pratique "habituelle" de laisser un détenu en caleçon dans la cour de promenade.

De l'organisation de l'établissement et l'ambiance qui y régnait au moment des faits, les inspecteurs dressaient un tableau inquiétant. Au moment de l'inspection, le chef de détention, visé à deux reprises pour maltraitances, admettait avoir placé sur écoutes son supérieur hiérarchique. L'ISP évoquait dans son rapport un "système clanique".

L'administration "savait et n'a rien fait"

"Ce qui gêne vraiment l'OIP, c'est que l'administration pénitentiaire savait et n'a rien fait", a souligné Me Sylvain Gauché, représentant de l'observatoire. "Ni la hiérarchie pénitentiaire, ni les autorités judiciaires n'auront su intervenir en urgence pour faire cesser des traitements dégradants", déplore l'OIP, pour qui l'absence "réitérée" de comptes rendus par le directeur "amène à conclure (que celui-ci) a bien eu connaissance de dysfonctionnements (...)". Même lorsque l'ISP a rendu son rapport en mars 2011, remarque l'observatoire, les surveillants mis en cause ont reçu "de simples lettres d'observation" et "un blâme" pour le chef de détention.

Le 2 avril 2013, ce dernier et deux autres agents mis en cause en 2011 ont été placés en garde à vue, avec quatre autres membres du personnel, pour deux nouvelles affaires. Le chef de détention et un collègue ont été suspendus de leurs fonctions le même jour. Le parquet de Vienne a indiqué avoir été dessaisi de l'enquête préliminaire au profit de celui de Grenoble, dont des représentants ont dit ne pas être au courant de l'affaire.

Contactée, la direction régionale de l'administration pénitentiaire n'a pas fait de commentaires.

Le personnel stigmatisé pour le syndicat

Le syndicat d'agents pénitentiaires UFAP-Unsa s'est pour sa part demandé, dans un communiqué, si "stigmatiser les personnels pénitentiaires au travers d'abus identifiés" était "la solution pour améliorer ces fameuses conditions de détention". Il "n'accepte pas que l'opprobre soit jetée sur toute une profession au travers de dysfonctionnements marginaux".

La Cour européenne des droits de l'Homme avait condamné la France en novembre 2011 pour traitement inhumains et dégradants infligés à un détenu de cette prison de 430 places, ouverte en 1991