Insultes, bizutage... Ce que l'on sait des accusations de violences et de harcèlement dans un régiment militaire de Castres

Une photo prise le 7 janvier 2017 à Naves, dans le sud de la France, montre des insignes sur l'uniforme du régiment de parachutistes de Castres (8e RPIMA) - AFP
Quatre militaires du 8e régiment de parachutistes (RPIMA) de Castres ont déposé plainte le vendredi 9 mai contre le ministère des Armées et leurs supérieurs hiérarchiques pour violences et harcèlement. Dans cette affaire, tous dénoncent un climat de terreur et d'humiliation au sein de cette unité, pourtant prestieuse, régulièrement déployée en zone de guerre.
• Des faits de violence, de harcèlement et des bizutages
Avec trois camarades d'infortune, Clovis a décidé de briser l'omerta. Dans une interview diffusée ce vendredi par BFMTV, le jeune militaire raconte avoir été victime de bizutage dès son entrée à l'école en juillet 2021.
L'un des "tests" obligatoire était de boire une mixture comprenant "de l'alcool, des poils de bite et du sperme". En refusant de se soumettre au bon vouloir de ses bourreaux, Clovis était aussitôt livré à des punitions collectives perpétrées par ses camarades sous l'ordre de ses supérieurs.
Dans les colonnes du Parisien, il a également relaté des faits de racisme, où les insultes "bonobo", "négro" ou "bougn" étaient banalisées. Seul moyen de survivre au sein de régiment: copiner avec les cadres militaires "sous fond d'alcoolisation massive et d'usage de la cocaïne", précise le quotidien.
Une mission en Roumanie viendra installer définitivement un climat de terreur. Tandis que le régiment relâchait la pression le temps d'une soirée, un adjudant ivre a exigé de plusieurs militaires qu'ils se mettent à genoux et qu'ils lui sucent le téton, indique le Parisien.
Au total, ils sont une vingtaine de soldats et d'anciens soldats a affirmé avoir subi du harcèlement ou des violences. Selon les informations de BFMTV, parmi les militaires qui ont porté plainte, trois ont quitté l'armée. Clovis, lui, est pour l'heure en arrêt maladie pour dépression depuis fin 2024.
• Des enregistrements compromettants
Dans des enregistrements réalisés par des camarades d'infanterie de Clovis, et consultés par BFMTV, on peut entendre très clairement les cadres de son régiment tenir des menaces à l'encontre du jeune homme.
"Mais bien sûr qu'on en a après toi (...).Tu vas devenir la pute de la compagnie jusqu'à ce que j'en ai marre", peut-on entendre dans l'audio.
"Pas de chance pour toi, j'ai une patience vieux (...) Si tu veux, tu as une option, c'est que tu désertes. C'est la seule option que tu as si tu ne veux pas que je transforme ton trou de balle en un hangar à A400M", poursuit-il. Pour Clovis, le climat était tel, que les cadres militaires les poussaient régulièrement "à la désertion et au suicide".
• Une tentative de suicide
Épuisées psychologiquement, certaines recrues iront jusqu'à passer à l'acte. L'un des soldats du RPIMA a raconté au Parisien et à France 2 avoir tenté de mettre fin à ses jours en ingérant des médicaments lors d'une mission en Roumanie en 2022, avant d'être retrouvé in extremis dans la forêt. Un an plus tôt, il avait reçu une "balayette" de son chef qui l'avait menacé d'un couteau.
"J'aurais pensé prendre une balle au combat, mais pas une claque ou un couteau sous la gorge et arriver jusqu'au suicide. Sinon, je n'aurais pas signé", a-t-il déclaré à France 2.
À son retour à Castres, rien n'avait changé. Le militaire était traité de "merde", surnommé "Doliprane" et harcelé quotidiennement sur les réseaux sociaux. Il a décidé de quitter l'armée.
• Une lettre adressée au ministère des Armées
Le 9 mai, quatre plaintes ont été déposées auprès du parquet de Paris à l'encontre du ministère des Armées et contre une quinzaine de supérieurs hiérarchiques. "C'est une action de jeunes hommes extrêmement courageux qui souhaitent non seulement dénoncer les faits graves dont ils ont été victimes mais également que des mesures soient prises pour que les pratiques changent", a réagi auprès de l'AFP leur avocat, Me Thibault Laforcade.
"C'est sans doute le moment de questionner le fonctionnement interne de cette institution qui ne peut plus user de procédés archaïques et destructeurs", a-t-il poursuivi.
"Cette nouvelle génération de soldats est prête à la rigueur qu'exige l'engagement militaire mais souhaite simplement que ses droits fondamentaux ne s'arrêtent plus aux portes des régiments".
Dans ce courrier, adressé au ministre des Armées Sébastien Lecornu, Me Laforcade a appelé à "prendre toutes les mesures qui s'imposent pour remédier à ces difficultés systémiques" au sein de l'armée.
• Une enquête ouverte par l'armée
À l'issue de ces révélations, une enquête a été initiée par l'armée de Terre pour faire la lumière sur cette affaire. Dans un communiqué publié mercredi, le ministère a déclaré que de "tels comportements sont totalement contraires à la mission et aux valeurs de l'armée de Terre qui reposent sur l'indispensable fraternité d'armes pour combattre ensemble ainsi que l'exemplarité des cadres".
"Si ces faits sont avérés, des sanctions disciplinaires lourdes seront prises à l'encontre des responsables", a assuré le ministère des Armées auprès de l'AFP, assurant prendre "très au sérieux ces accusations" qu'il dit "condamner fermement".
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a réagi sur son compte X. "Notre position est claire et constante: tolérance zéro", soutient-il. "La parole de ces anciens militaires est prise très au sérieux et nous contribuerons activement au travail de la justice."