INFO BFMTV. Une Iranienne de 35 ans écrouée pour "provocation au terrorisme" et soupçonnée d'être "téléguidée" par Téhéran

Un drapeau iranien - Image d'illustration - Behrouz Mehri-AFP
Agent d’influence au service de Téhéran ou simple militante pro-palestinienne? Une Iranienne de 35 ans, soupçonnée d’apologie de terrorisme et d’ingérence pour le compte de l’Iran, réclamait sa libération de détention provisoire, ce mardi 24 juin, au tribunal judiciaire de Paris.
Quatre mois après avoir été écrouée à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), Mahdieh Esfandiari a éclaté en sanglots dès son arrivée dans le box. Elle dit être sans nouvelles de sa famille depuis plus de deux semaines. Celle-ci habite dans la capitale iranienne, régulièrement bombardée par l’armée israélienne depuis le 13 juin. Selon le ministère iranien de la Santé, plus de 610 personnes ont péri sous les bombes.
Un risque de fuite vers l'Iran?
Le destin de Mahdieh Esfandiari est aujourd’hui étroitement lié à celui de la République islamique d’Iran. Traductrice en langue française et diplômée en sciences du langage à l’université Lyon-II, cette militante avait été interpellée le 28 février à Lyon, où elle réside depuis bientôt 10 ans. Selon nos informations, elle s’apprêtait à quitter le territoire français. Soupçonnée d’être l’administratrice d’une chaîne Telegram pro-palestinienne et antisioniste radicale, elle a été mise en examen pour "provocation au terrorisme" et écrouée. Des messages postés sur le réseau social X lui sont également reprochés.
Un représentant du parquet de Paris a estimé, ce 24 juin, que l’activisme pro-palestinien de cette Iranienne était "téléguidé" depuis Téhéran. Après un court délibéré, la juge a refusé de la relâcher. Trop de risques à ses yeux: elle pourrait réitérer les faits, se concerter avec les autres mis en examen, tenter de supprimer les preuves de sa culpabilité présumée mais aussi… s’enfuir vers l’Iran. "L’espace aérien est fermé", a alors rétorqué Me Nabil Boudi, son avocat.
"Nous ne voulons pas que notre cliente paie le prix des relations diplomatiques entre la France et l’Iran", réagit-il en sortant de la salle.
Mahdieh Esfandiari avait été interpellée à l’issue d’une enquête judiciaire de plusieurs mois. Le ministère de l’Intérieur avait fait un signalement au parquet de Paris le 30 octobre 2023, c’est-à-dire trois semaines après les massacres du 7 octobre et le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Une enquête avait été alors ouverte.
Selon nos informations, les services de renseignement avaient identifié un compte Telegram animé par des militants pro-palestiniens radicaux. Une chaîne de diffusion nommée "Axe de la Résistance" qui fait "l’apologie des attentats commis en Israël le 7 octobre 2023" et se distingue en "injuriant la communauté juive", soutient le parquet de Paris.
Une chaîne Telegram au coeur de l'enquête
Au vu des investigations effectuées, une information judiciaire avait finalement été ouverte par le Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH), le 7 novembre 2024, pour "apologie en ligne de terrorisme", "provocation au terrorisme", "injures à raison de l’origine et de la religion" et "refus de donner les codes de déverrouillage relatifs à plusieurs chaînes de réseaux sociaux (X et Telegram)".
BFMTV a pu consulter cette chaîne Telegram au cœur de l’enquête. Écrite en langue française, celle-ci relaie, depuis 2023, jour après jour, les actes de "résistance islamique" contre l’armée israélienne: elle reprend sans filtre les communiqués du Hezbollah ou ceux des Brigades al-Qods, branche armée du Jihad islamique palestinien, groupe classé comme "terroriste" par les États-Unis.
Mais cette chaîne va au-delà de la simple propagande. Elle appelle également à militer en France. Le 7 août 2024, elle reproduit ainsi un appel à "perturber les opérations" d’un pétrolier militaire américain amarré au port de Marseille, "afin de s’assurer qu’il ne puisse pas poursuivre ses voyages sanguinaires". Le même jour, elle appelle à se rassembler "contre les génocidaires" à Paris, en visant implicitement Israël.
"Les sionistes disparaîtront de la surface de la Terre! Ces malfaisants ne font que de répandre le mal sur terre", commente un abonné sur cet espace de discussion.
Son compagnon dans la mouvance d'Alain Soral
Mahdieh Esfandiari et son compagnon, Maurizio B., qui lui n’est pas de nationalité iranienne, ont été identifiés comme membres de ce "collectif actif". Tous deux ont été arrêtés et mis en examen.
Fait troublant: Maurizio B., aurait fait partie, selon nos informations, de la mouvance d’Alain Soral. Cet idéologue antisémite, animateur du groupe Égalité & Réconciliation (E&R), a lui-même reconnu avoir reçu trois millions d’euros de la part du régime iranien afin de financer la campagne électorale pour sa liste "antisioniste" aux élections européennes de 2009.
Exilé depuis plusieurs années en Suisse, Alain Soral, multicondamné de 66 ans, a été jugé à Paris la semaine dernière, en son absence, pour "atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation" pour ses appels à "s’armer" qu’il avait lancé dans des vidéos d’E&R. Il encourt sept ans de prison.
L’incarcération de Mahdieh Esfandiari avait provoqué la colère, le 14 avril, du porte-parole du ministère des affaires étrangères iranien, Esmail Baghaei, qui n’en avait pas été informé. Il a fustigé "la politique des pays européens" qui consisterait selon lui à assimiler la dénonciation du "génocide" commis par Israël dans la bande de Gaza à de l’apologie de terrorisme. La militante iranienne doit être interrogée début juillet par une juge d’instruction à Paris. Retiendra-t-elle l’infraction d’ingérence au profit d’une puissance étrangère?