INFO BFMTV. "L'argent, tu l'as perdu, ton père t'en as qu'un": révélations sur Badiss Bajjou, soupçonné d'une série d'enlèvements liés aux cryptomonnaies

Badiss Bajjou, Franco-marocain, faisait l'objet d'une notice rouge Interpol. L'homme de 24 ans est soupçonné d'être le commanditaire d'une série d'enlèvements dans le milieu de la cryptomonnaie en France.

Il était encore il y a quelques jours sur la liste des dix Français les plus recherchés par Interpol. Interpellé en début de semaine dernière à Tanger dans le Nord du Maroc, et à seulement 24 ans, il est suspecté d'être lié à de nombreux enlèvements de personnalités liées à la cryptomonnaie. Au point de sembler en faire une spécialité depuis 2023? Révélations sur l'un des premiers enlèvements dans lequel il pourrait être impliqué.

Fin août 2023 au petit matin, dans un quartier résidentiel en plein cœur de la Sarthe, un homme arrive au domicile d'un couple. Il se présente comme un livreur Amazon. L'occupant de la maison, père d'un Youtubeur ayant fait fortune dans les jeux vidéo, sort alors du pavillon.

Il est immédiatement emmené par deux autres hommes, cagoulés, gantés, qui se cachaient non loin dans un faux véhicule de livraison. La victime est ligotée, deux montres de luxe sont également subtilisées. Il est ensuite chargé à l'arrière d'une autre voiture.

Soupçonné d’être le "rançonneur"

Près d’une heure trente plus tard, le fils de la victime, en vacances à l'étranger, reçoit une vidéo de son père, une arme pointée vers sa tête, accompagnée d'une demande de rançon en cryptomonnaie.

Derrière la demande de rançon, les enquêteurs sont convaincus qu’il s’agit déjà de Badiss Bajjou, âgé à ce moment-là de 22 ans. L’homme appelle depuis une ligne basée à l’étranger et n’est donc même pas avec la victime, mais pilote bel et bien les opérations à distance.

La victime est ensuite conduite dans un appartement, enfermée dans une salle de bains, le temps qu'une rançon soit effectivement versée. Abandonné dans la rue, le père de famille finit par être aidé par des automobilistes, qui préviennent les gendarmes. Badiss Bajou sera l'unique interlocuteur du fils de la victime, tout au long des "négociations". 

Une voiture sonorisée au cœur de l'enquête

Mais les malfrats vont commettre une faute. Lorsqu'ils libèrent la victime, ils sont à bord d'un véhicule qui a été mis sur écoute par les enquêteurs de la BRB de Versailles, dans le cadre d'une autre affaire de séquestration datant de juillet 2023. Grâce à ce véhicule, les enquêteurs de la Section de recherches d'Angers remontent à l'entourage familial de Badiss Bajou, car il appartient à l'un de ses proches. 

Et les enquêteurs découvrent qu'au lendemain de l'enlèvement, Badiss Bajou évoque, au téléphone, la rançon, les montres qui viennent d'être dérobées, mais aussi le fils de la victime, comme dans cet échange: "il m'a remercié parce que j'avais tenu parole et que son père avait été retrouvé" dit-il à son interlocuteur.

"Je lui ai dit que s'il appelait les condés ça n'allait rien changer, parce que l'argent il l'avait perdu, et que son père il n'en avait qu'un" enchaîne t-il.

"Je lui ai parlé comme dans un film, avec des répliques, j'ai fait ça trop bien" finit-il par se vanter... Au moment des faits, Badiss Bajou était également recherché par la brigade criminelle de Versailles, dans le cadre d'une tentative de meurtre par arme à feu, commise dans la nuit du 22 au 23 juillet 2023 dans les Yvelines.

En vain: à une date qui n’est pas précisée, il prend la fuite vers le Maroc, où il se trouvait encore en liberté en début de semaine dernière jusqu’à son arrestation, soit quasiment deux ans après les premiers faits.

Rappelons que son ombre plane aussi sur le dossier Ledger et l'enlèvement de David Balland et de sa compagne, ainsi que sur deux affaires d'enlèvement et de tentative d'enlèvement de mai dernier, en plein cœur de Paris. Il demeure toutefois présumé innocent et son implication devra être démontrée.

Armes blanches, téléphones et argent liquides saisis

Comme Badiss Bajjou dispose de la double nationalité franco-marocaine, son extradition ne sera pas évidente. Les autorités judiciaires françaises espèrent néanmoins qu’elle aboutisse prochainement pour qu’il puisse être entendu sur les différentes affaires pour lesquelles il est recherché.

Badiss Bajjou a été interpellé le 3 juin dernier dans une habitation à Tanger dans le nord du Maroc.

Des armes, de l'argent liquide et des téléphones saisis lors de l'interpellation de Badiss Bajjou, le 3 juin 2025 à Tanger au Maroc. © BFMTV

Une source judicaire marocaine nous précise que "la perquisition effectuée à son domicile a permis de saisir un lot d'armes blanches de différentes tailles, une somme d'argent susceptible d'être en relation avec ses activités criminelles, ainsi qu'une dizaine de téléphones portables". 

Matthias Tesson