Escale Sainte-Monique, arche pour mères perdues

par Elizabeth Pineau
ARNOUVILLE, Val d'Oise (Reuters) - Une maison autour d'un grand jardin, des cris d'enfants dans les couloirs, de petites chambres à plusieurs lits : l'Escale Sainte-Monique d'Arnouville, en banlieue parisienne, porte bien son nom.
A longueur d'année, de jeunes mères livrées à elles-mêmes, vivant parfois dans la rue, viennent y poser leur fardeau pour prendre un nouveau départ.
En ce mois de novembre, le centre géré par l'Association des cités du Secours catholique compte 35 familles, dont 42 enfants, accueillis avec leur mère jusqu'à l'âge de huit ans.
Aucun homme ne vit ici : l'escale est réservée aux mères de famille seules, d'origine africaine pour la plupart, confrontées aux affres de la pauvreté comme des milliers de familles monoparentales.
"L'accueil est inconditionnel, du moment qu'il y a un enfant", explique Claude Plassat, chef du service éducatif de l'Escale. "Les mères arrivent souvent fatiguées et découragées. Au début, on ne les embête pas, on leur parle. Après, on les accompagne pour les aider à se redynamiser".
Les pensionnaires, "les mamans" comme on les appelle ici, restent en moyenne un an et demi, le temps de mener à bien un projet de vie, qui passe par des papiers en règle, un accès aux services de santé, la scolarisation des enfants, des cours pour apprendre à gérer un budget, un travail et un logement.
Dans la grande maison blanche que les dernières religieuses ont quitté il y a quelques années, la vie en collectivité se déroule au rythme des activités de chacune - la plupart des mères travaillent ou sont en formation - supervisées par une dizaine de travailleurs sociaux.
Dans la salle à manger, où l'on prend ses repas en commun, des chaises hautes de bébé attendent des petits pensionnaires.
Au détour d'un couloir, un petit garçon prénommé Christ, qui vit ici avec sa mère et ses deux frères, montre fièrement un diplôme de football obtenu la veille.
"JE NE SAVAIS PAS OÙ ALLER"
Jeanne Magne-Fogang, 31 ans, a passé deux ans à l'Escale.
Elle qui, enfant, rêvait de France dans sa campagne camerounaise a déchanté lorsqu'elle a échoué, seule au monde, du côté d'Argenteuil.
Après la naissance de son deuxième fils - son aîné est resté au pays -, elle a touché le fond.
"J'ai vraiment failli mourir, je ne savais pas où aller" , raconte aujourd'hui la souriante jeune femme assise devant un verre de jus d'orange dans la salle de réunion du centre.
Signalée par le Samu social, elle est arrivée au service d'urgence de l'Escale, d'où elle a remonté la pente étape par étape : un CAP cuisine, un emploi dans une cantine scolaire et enfin un appartement, où elle a emménagé cet été.
Désormais autonome, la jeune femme aux yeux en amande et à la mèche impeccable veut "passer son permis de conduire car je fais beaucoup de trajets" et, à plus long terme, "se lancer dans le stylisme, pourquoi pas ?".
Si les "hébergées" de l'escale n'ont pas forcément sa volonté, toutes s'engagent sur de nouveaux rails.
"La sortie d'ici se fait avec un travail et un logement pérenne", résume Claude Plassat.
Entre deux coups de téléphone pour gérer les affaires courantes, cette professionnelle à l'accent chantant évoque le cas de cette maman qui fut mère à 13 ans, d'une autre arrivée avec des jumeaux de deux mois, d'une famille en voie de recomposition, où le père vient de refaire surface.
Isabelle Wytinck, assistante sociale, insiste sur le lien dans la durée qui se tisse avec les hébergées.
"J'ai souvent des nouvelles plusieurs années après leur départ", dit la jeune femme qui travaille ici depuis sept ans. "Il est arrivé que je sois la première personne qu'appelle une ancienne hébergée pour m'annoncer sa naturalisation".
"S'en sortir, c'est une question d'ambition, de caractère, mais aussi de confiance", dit-elle.
Nourri par un budget annuel de 138 millions d'euros, le Secours catholique compte 2.700 lieux d'accueil, 63.000 bénévoles, 3.800 équipes et un millier de salariés.
Edité par Yves Clarisse