Dans un rapport, une députée LaREM juge "inutile" l'inscription du terme "féminicide" au droit pénal

Le terme "féminicide" n'est actuellement pas reconnu par l'Académie française... Il ne devrait pas non plus faire son entrée dans le code pénal. Dans un rapport d'information rendu mardi, la députée LaREM Fiona Lazaar juge que cette évolution législative serait "inutile, voire contre-productive". Elle recommande en revanche de développer son utilisation dans les institutions publiques.
Atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi
Jusque-là, son utilisation était réservée aux associations féministes. Mais depuis plus d'un an, le mot féminicide a gagné la sphère du débat public. Il s'invite dans les médias, dans la prise de parole de certains représentants de justice ou de responsables politiques. La secrétaire d'État Marlène Schiappa réclamait dans les colonnes du Parisien de "sévèrement sanctionner les auteurs de féminicides".
"Les féminicides ne sont pas des homicides comme les autres, il faut le reconnaitre pleinement", pose en préambule de son rapport que BFMTV.com a consulté Fiona Lazaar, députée LaREM du Val-d'Oise.
Mais "la création d’une infraction autonome risquerait d’atteindre à l’égalité devant la loi des citoyens", souligne-t-elle. Distinguer les femmes des hommes pourrait, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) auditionnée, porter atteinte au principe selon lequel la loi doit être "la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse."
En novembre déjà, la Garde des Sceaux s'était opposé à son inscription. Tout en reconnaissant que le terme "reflétait une réalité criminelle", elle affirmait dans une interview pour le magazine Décideurs que cela "demanderait un important travail de réécriture des textes" qui lui semblait "inutile".
Une définition à géométrie variable
La seconde difficulté pointée par le rapport est que tous les acteurs ne s'accordent pas sur la définition du mot féminicide. Tandis que certains, comme le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, estiment qu'il doit être "utilisé pour le meurtre d'une femme, comme celui d'homicide lorsqu'il s'agit d'un homme", d'autres, comme l'association Osez le féminisme le caractérisent comme "un meurtre d'une ou plusieurs femmes ou filles en raison de leur condition féminine".
Or, il existe déjà dans le code pénal une circonstance aggravante lorsque le meurtre est commis sur un conjoint, pour lequel la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité. Créer une nouvelle infraction pourrait donc "fragiliser la défense des victimes avec une infraction plus difficile à prouver", tranche la députée.
Un avis qui "déçoit" l'Union nationale des familles de féminicides (UNFF): "Il existe déjà une circonstance aggravante, mais celle-ci est en réalité rarement retenue dans les affaires. Seuls les cas où la victime était pacsée, mariée ou partageait ses impôts avec l'accusé sont retenus", regrette auprès de BFMTV.com Sandrine Bouchait.
"Double discours"
Fiona Lazaar suggère qu'à cette première circonstance aggravante puisse être ajoutée une seconde: celle d'un crime commis en raison du sexe de la victime. Une mesure symbolique qui ne changerait toutefois rien à la peine, déjà maximale. Autre mesure symbolique, l'élue encourage les institutions de la République à introduire régulièrement dans leur communication le terme féminicide.
"Cela participe à la prise de conscience populaire, afin de faire comprendre que cet acte est l'aboutissement ultime des violences faites aux femmes", appuie-t-elle auprès de BFMTV.com.
La parlementaire LaREM va d'ailleurs proposer une résolution dans ce sens à l'Assemblée nationale. Un "double discours" dénoncé par la présidente de l'UNFF: "On demande aux magistrats d'utiliser un mot qu'on refuse d'inscrire au droit pénal." L'association, qui n'a pas été entendue au cours de la mission d'information, doit rencontrer prochainement Fiona Lazaar afin, espère-t-elle, obtenir des éléments d'explication.