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Police-Justice

Cultiver du cannabis, un business en vogue en Europe

Des plants de cannabis dans un centre médical en Californie, où l'usage thérapeutique pour soulager les douleurs est toléré.

Des plants de cannabis dans un centre médical en Californie, où l'usage thérapeutique pour soulager les douleurs est toléré. - -

La récente saisie de 4.000 pieds de cannabis en Belgique illustre l'évolution du marché européen, où l'herbe est de plus en plus cultivée localement, par des particuliers mais aussi par des organisations criminelles, attirées par ce marché lucratif.

Le chanvre se cultive partout et facilement: traditionnellement en extérieur, dans un champ ou sur un balcon, mais cette culture se développe de plus en plus en intérieur ("indoor"), dans un placard en appartement, voire dans un pavillon ou un hangar. Des plantations ont ainsi été découvertes dans une trentaine de pays européens, précise Laurent Laniel, de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.

C'est aux Pays-Bas et au Royaume-Uni que le plus grand nombre de sites de production a été détecté. En France, 141.000 pieds de cannabis ont été arrachés en 2013 sur près de 50 sites, contre 55.000 en 2010, souligne l'Observatoire.

La culture indoor, discrète et facilitée par Internet, permet d'obtenir entre quatre et six récoltes par an, contre une à deux lorsqu'on produit en extérieur, explique Laurent Laniel. Même si la culture en extérieur subsiste dans les pays du sud et de l'est de l'Europe, "les cultures "indoor" tiennent désormais le haut du pavé en Europe", dit-il.

Le mythe d'un "produit bio"

L'offre s'est d'ailleurs adaptée à la demande. La consommation d'herbe de cannabis a supplanté celle de résine, majoritairement importée du Maroc. Sur 2.050 tonnes de cannabis consommées en Europe en 2012, 60% (1.280 tonnes) étaient de l'herbe. Plusieurs raisons à cet engouement: le "mythe du 'produit bio'", une meilleure qualité que la résine, et une teneur plus élevée en THC (le principe actif du cannabis), explique Michel Gandilhon, chargé d'étude à l'Observatoire.

En quelques années, les effets de l'herbe sont devenus plus puissants -13% en moyenne- notamment grâce à des modifications génétiques du chanvre, affirme Matthieu Pittaco, chef de la division renseignement et stratégie de l'Office central de répression du trafic de stupéfiants (Ocrtis).

Une retraitée arrondissait ses fins de mois

Au départ pourtant, il s'agissait pour les petits cultivateurs de produire dans leur placard, pour eux-mêmes et leurs amis, pour éviter les réseaux criminels, une arrestation ou une herbe frelatée. En 2010, on en comptait entre 80.000 et 100.000 en France. Mais à ces amateurs se sont ajoutés d'autres profils aux objectifs clairement commerciaux. Car le business est rentable: "Pour 1m2, on cultive 5 plants, qui peuvent rapporter 5.000 euros par an", souligne Michel Gandilhon.

Depuis trois ans, "certains particuliers se lancent dans la culture pour faire de l'argent", explique-t-il. Récemment, une retraitée de Charente-Maritime a été interpellée pour une trentaine de plants qu'elle cultivait dans une chambre pour arrondir ses fins de mois.

Le crime organisé s'est également intéressé à cette manne, à l'image des "cannabis factory" (usine à cannabis), implantées en Angleterre, aux Pays-Bas, en Belgique et en Italie. Un secteur dominé par les groupes criminels asiatiques, notamment vietnamiens, aidés par des filières d'immigration clandestine, selon l'Ocrtis. En échange de son passage, le migrant doit travailler sur ces exploitations. Une nouvelle tendance difficile à contrer pour les forces de l'ordre, et considérée comme préoccupante.

A. G. avec AFP