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Comment fonctionnent les unités de vie familiale, ce dispositif qui a permis à Lelandais de recevoir une femme en prison

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Mercredi, lors de son procès, Nordahl Lelandais a reconnu avoir eu une relation sexuelle en prison, au sein d'une unité de vie familiale. Une erreur de l'administration pénitentiaire, a jugé la présidente du tribunal.

Mercredi, au troisième jour de son procès, Nordahl Lelandais a indiqué avoir eu à deux reprises des relations sexuelles en prison. L'homme, jugé depuis lundi 31 janvier pour l'enlèvement et le meurtre de la petite Maëlys de Araujo en août 2017, a pu recevoir dans une unité de vie familiale (UVF) une femme prénommée Elisabeth, avec qui il a commencé une relation lors de sa détention. BFMTV.com revient sur ce dispositif, déjà pointé du doigt en 2019 à la suite de l'attaque terroriste de la prison de Condé-sur-Sarthe.

• Quelle est l'origine de ce dispositif?

Dans une circulaire datée de 2009 de la Direction de l'administration pénitentiaire, il est indiqué que la première UVF à avoir vu le jour remonte à 2003, mise en place au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes. D'abord expérimental, le dispositif a ensuite été déployé en 2004 à la maison centrale pour hommes de Saint-Martin-de-Ré, puis en 2005 à Poissy.

La circulaire mentionne ensuite que "les résultats particulièrement satisfaisants de ce dispositif expérimental ont conduit à décider de son extension, dès septembre 2006, à quatre autres centres pénitentiaires".

C'est en 2009, au travers de la loi pénitentiaire, que leur généralisation est décidée. Un objectif cependant encore loin d'être atteint, puisque le site du ministère de la Justice indique qu'"au 23 juillet 2019, 170 UVF sont en fonctionnement dans 52 établissements pénitentiaires". La France compte au total 186 centres pénitentiaires.

• À quoi ressemble une UVF?

Une unité de vie familiale s'apparente à un appartement meublé, se trouvant dans l'enceinte pénitentiaire, à l'extérieur de la détention.

"L'unité de vie familiale est une espèce d'appartement, mis à disposition des détenus dans l'enceinte de l'administration pénitentiaire", détaille au micro de BFMTV Me Clarisse Serre, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis.

Les détenus peuvent y trouver une cuisine, une chambre, une salle de bains, soit tout le confort d'un appartement moderne. Toujours selon le site du ministère de la Justice, "les personnes détenues peuvent bénéficier d’une visite en UVF d’une durée de 6 à 72 heures".

• Quel est leur objectif?

L'objectif affiché par les UVF est de "favoriser la responsabilisation de la personne détenue dans l'accueil de ses visiteurs au regard, notamment, des conditions de restauration" indique le ministère.

Dans sa directive de 2009, la Direction de l'administration pénitentiaire indique que "ce dispositif s’inscrit pleinement dans la politique de maintien des liens familiaux mise en œuvre par l’administration pénitentiaire dans le cadre de sa mission de réinsertion".

Ainsi, volonté est faite d'encourager la création et le développement de projets familiaux, tout en répondant aux besoins des proches, et notamment des plus jeunes, car les UVF ont également vocation à accueillir les enfants des personnes détenues.

• Quels sont les critères pour y avoir accès?

Pour y avoir accès, une double demande doit être réalisée. De la part du détenu, mais également de la personne non-incarcérée qui souhaite s'y rendre.

"En principe, le premier critère pour y avoir accès est de voir son conjoint, pour maintenir le lien familial. Eventuellement de voir ses enfants. Le deuxième critère, quand on n'est pas marié, c'est de voir son concubin, ou éventuellement quelqu'un de proche", analyse Me Clarisse Serre.

La circulaire de l'administration pénitentiaire explique, elle, que "les UVF sont prioritairement destinées aux condamnés ne pouvant bénéficier d’une permission de sortie ou d’un autre aménagement de peine garantissant le maintien des liens familiaux. L’accès aux UVF peut néanmoins être accordé à d’autres catégories de condamnés en fonction de leur situation familiale, personnelle et de leur parcours d’exécution de peine".

• Comment Nordahl Lelandais a pu y avoir accès?

Au troisième jour de son procès, mercredi 2 février, Nordahl Lelandais a expliqué avoir eu deux relations sexuelles avec une femme prénommée Elisabeth, avec qui il a démarré une relation sentimentale lors de son incarcération. En ajoutant qu'il avait depuis rompu avec cette dernière, qui a par le passé déjà entretenu une relation avec un homme condamné pour avoir tué sa petite-fille.

Le premier rapport sexuel entre Nordahl Lelandais et Elisabeth a eu lieu dans un parloir familial, un salon fermé d'une superficie allant de 12 à 15m², permettant à tout détenu de retrouver des proches pour une durée de 6h maximum.

Le second a eu lieu en UVF. Nordahl Lelandais a ainsi pu en bénéficier, bien que de prime abord, aucun lien familial ne semble être établi entre Elisabeth et ce dernier. Me Clarisse Serre rappelle cependant qu'"en droit, un détenu, qu'il soit condamné ou en attente de condamnation, a le droit de demander une UVF".

Néanmoins, la présidente du tribunal, à l'annonce de ces rapports sexuels, a déclaré qu'accorder une UVF à Nordahl Lelandais avait constitué "une erreur" de la part de l'administration pénitentiaire.

"Je peux comprendre que tout le monde puisse trouver cela surprenant. Mais ça fait partie de la réglementation, des dispositions légales. Je ne considère pas que l'administration pénitentiaire ait commis une erreur, contrairement à ce qui a pu être dit", juge de son côté Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat UFAP-UNSa Justice.

En indiquant néanmoins: "On sait bien que l'on n'invite pas sa mère à une journée en UVF. On sait très bien que les détenus y ont recours pour une partie de plaisir et puis c'est tout".

C'est t durant cette UVF que l'ancienne relation de Nordahl Lelandais lui a transmis un téléphone, qu'il a ensuite conservé dans sa cellule, notamment pour consulter des vidéos à caractère pornographique, dont une comportant dans son titre le terme "adolescente".

• Ces UVF ont-elles déjà été pointées du doigt?

Oui. Notamment en 2019, à la suite de l'attaque terroriste perpétrée au sein de la prison de Condé-sur-Sarthe. Le 5 mars 2019, Michaël Chiolo, détenu de droit commun suspecté de radicalisation, rejoint sa compagne dans une UVF. Cette dernière simule alors un malaise, nécessitant l'intervention de deux surveillants pénitentiaires. Avec son compagnon, elle utilise un couteau en céramique pour les poignarder.

Les détecteurs de métaux, auxquels doivent se soumettre les personnes extérieures souhaitant se rendre en UVF, ne sont pas en mesure de détecter les couteaux en céramique. Ils n'ont pas non plus été en mesure de détecter le téléphone portable apporté à Nordahl Lelandais.

Quant à Wilfried Fonck, il fait valoir que "notre organisation syndicale s'est toujours prononcée contre les UVF. Pour nous, il vaut mieux accorder une permission de sortie, dont les conditions d'obtention sont plus drastiques".
Jules Fresard