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Police-Justice

"C'est impardonnable": jugé pour un féminicide, l'ex-policier Arnaud Bonnefoy exprime des "regrets"

Le palais de justice de Paris, le 2 septembre 2021

Le palais de justice de Paris, le 2 septembre 2021 - Thomas COEX © 2019 AFP

Ce jeudi 4 septembre, au dernier jour de son procès pour le meurtre de sa compagne Amanda Glain à Paris, Arnaud Bonnefoy a été interrogé sur les faits qui lui sont reprochés. Il est longuement revenu sur sa relation avec la victime ainsi que le moment de son passage à l'acte.

C'était un interrogatoire très attendu, celui d'Arnaud Bonnefoy, ex-policier jugé depuis mardi 2 septembre pour le meurtre de sa compagne, Amanda Glain, le 28 janvier 2022 à Paris. Chemise blanche, crâne rasé, l'ex-policier a d'emblée exprimé des "regrets". "J'aimerais exprimer les regrets qui me rongent depuis cet acte horrible que j'ai commis envers Amanda", prononce-t-il ce jeudi en prenant son temps, comme s'il pesait chaque mot, dans l'enceinte du palais de justice de Paris.

Il affirme avoir "conscience de ce comportement tyrannique que j'ai eu", reconnaît une "jalousie morbide" et un "manque total de maturité". La veille, une experte psychiatre qui l'a longuement examiné lors de la phase d'instruction l'avait en effet décrit comme très "immature", n'ayant jamais coupé le lien avec son père et ayant un fort besoin d'être pris en charge, surtout par ses compagnes.

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Aujourd'hui, Arnaud Bonnefoy va dans le sens de cette expertise, comme de la plupart de ce qui s'est dit devant la cour depuis mardi. "Tout à fait", "effectivement" sont des réponses qui reviennent souvent lors de son interrogatoire.

"L'acte que j'ai commis est monstrueux, j'en ai pleinement conscience", lance-t-il. "Aucun pardon n'est possible ni envisageable, même moi je ne me le pardonnerai pas." Côté parties civiles, le père d'Amanda semble refuser de le regarder. L'accusé, lui, parle toujours les yeux baissés.

"Je vais te crever"

Amanda Glain et Arnaud Bonnefoy ont commencé à échanger sur Tinder, en 2019. Peu à peu, le policier "tombe sous le charme" de la jeune femme. "Comme dans mes autres relations, j'avais besoin de quelqu'un à mes côtés pour survivre", ajoute-t-il.

Mais bientôt, répondant au même schéma que dans ses relations précédentes, les disputes se multiplient, tout comme les périodes de séparation. Elle souhaite prendre un appartement seule, lui n'accepte pas son indépendance, se montre extrêmement possessif. Les disputes du couple étaient liées "exclusivement à ma jalousie", répond l'accusé, reniflant dans le micro. "C'était devenu comme une obsession."

Arnaud Bonnefoy parle si bas que l'on peine à entendre la fin de ses phrases. Son ton contraste avec la violence des messages, vocaux comme écrits, envoyés à Amanda Glain lors de diverses disputes. Des messages que le président choisit d'ailleurs de lire à la cour. "Tu ne seras jamais en paix tant que je serai en vie", "Tu vas regretter tout ce que tu m'as fait", "Crois moi, on va se revoir", "Je vais te crever", énumère-t-il lors de cette lecture très éprouvante pour les proches de la victime.

"Ces mots terribles, ce sont des menaces de mort", souligne le président. "J'étais dans un état de colère, je ne sais plus pour quelle raison exactement, j'ai complètement explosé à ce moment-là", souffle Arnaud Bonnefoy.

"Pensez-vous qu'Amanda ait pris vos menaces au sérieux?", lance le président. "C'est possible, je n'en ai jamais parlé avec elle." Quelques semaines avant son décès, la jeune femme avait consitué un dossier intitulé "preuves" dans lequel elle recensait des photos, captures d'écran de messages et enregistrements montrant les multiples pressions exercées par son conjoint.

Un état "de fureur, de colère, de haine"

La veille du meurtre, le 27 janvier 2022, Amanda travaille sur son ordinateur dans le studio d'Arnaud Bonnefoy, dans le 19ème arrondissement de Paris. "Dans mes souvenirs, les tensions ont commencé après son télétravail", décrit l'accusé. Comme souvent, une dispute survient autour des échanges que la jeune femme pouvait avoir avec certains hommes sur ses réseaux sociaux.

Ils s'endorment chacun de leur côté. Le lendemain, Arnaud Bonnefoy se réveille en se disant que "les soucis de la veille" sont derrière eux. Mais sa compagne est toujours en colère, raconte-t-il. "Elle me dit que je ne suis qu'un connard, je ne suis qu'un con, un minable, et qu'elle n'aura aucune difficulté à trouver mieux que moi."

À ce moment-là, "submergé par différentes émotions", il se dirige vers la salle de bain "dans un état de fureur, de colère, de haine, toutes ces émotions fusionnent". "Je lui serre le cou, certainement avec une force et une violence à la hauteur de la souffrance que j'ai en moi", souffle-t-il dans le micro, détournant encore plus le regard alors que les proches d'Amanda se mettent à pleurer.

Il met quelques instants à se rendre compte qu'Amanda ne respire plus. Il la secoue, tente de l'appeler, lui asperge le visage d'eau en se disant qu'elle va se réveiller. "Je prends son pouls, et là, je ne sens rien. Je ne comprends plus ce qu'il se passe. Je me rends compte qu'elle est morte", indique-t-il encore.

Après un long question-réponse avec le président qui cherche à savoir si son passage à l'acte était volontaire, Arnaud Bonnefoy admet difficilement: "J'avais l'intention (de la tuer, NDLR), effectivement".

Une dernière visite à son père dans le Var

La suite, ce sont ces plus de trois semaines de cavale qui ont fait la une de l'actualité. Arnaud Bonnefoy est vu en train de quitter son immeuble à 9h53, puis il prend sa Peugeot 208 et file vers Breteuil, dans l'Oise, où il retirera 1.500 euros, avant d'abandonner quelques jours plus tard son véhicule à Amiens dans la Somme. Il dormira dans un foyer sous une fausse identité pendant plusieurs jours, avant de prendre la décision de rejoindre son père, dans le Var.

"J'ai pensé à mon père et j'ai fait ce choix d'aller le voir une dernière fois. Je me doutais que j'étais recherché. Étant un ancien policier, j'ai connaissance de la manière de faire, si on peut dire", raconte-t-il.

Il continue alors en stop, sans jamais dévoiler son identité. Il passera ensuite deux jours, dissimulé dans les bois, avant d'arriver chez son père, le 22 février 2022. De là, il appellera la gendarmerie pour se rendre. Il sera reconduit à Paris, où il sera mis en examen pour "homicide par conjoint".

"J'ai pas su me rendre compte, j'ai pas su être un homme. Les regrets que j'ai pu exprimer tout au long de cette audition sont sincères, et les faits sont impardonnables, moi-même je ne me le pardonnerai jamais", conclut-il ce jeudi, avant de se mettre à pleurer.

L'audience doit à présent se poursuivre avec la plaidoirie des parties civiles, les réquisitions et la plaidoirie de la défense, avant que le jury ne se retire pour délibérer.

Elisa Fernandez