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Police-Justice

Affaire Jacqueline Sauvage: comment est accordée la grâce présidentielle?

Henri Leclaire.

Henri Leclaire. - AFP

Le président François Hollande va recevoir, ce vendredi, la famille de Jacqueline Sauvage qui demande la grâce de cette dernière, condamnée en appel à dix ans de réclusion criminelle, pour avoir abattu son mari violent. Tout ce qu'il faut savoir sur cette prérogative présidentielle.

Le président François Hollande reçoit ce vendredi les filles et les avocates de Jacqueline Sauvage, 68 ans, condamnée en appel le mois dernier à dix ans de réclusion pour avoir tué son mari violent et incestueux.

Pour faire sortir Jacqueline Sauvage de prison, trois requêtes de grâce présidentielle ont été formulées: une première, celle de Maud Olivier, députée PS de l'Essonne, en cours d'instruction à la Chancellerie; une deuxième, soumise à l'Elysée par une trentaine de parlementaires à l'initiative de la députée Les Républicains Valérie Boyer; la troisième, enfin, émise par la famille de Jacqueline Sauvage, qui vient d'arriver sur le bureau du président.

En quoi consiste la grâce présidentielle?

La grâce présidentielle est demandée lorsque tous les recours judiciaires ont été épuisés. Son objectif: demander une réduction de peine, voire sa suppression. La condamnation reste inscrite au casier judiciaire. Elle diffère ainsi de l'amnistie.

La grâce présidentielle, qui doit être contresignée par le garde des Sceaux, suit une procédure longue et complexe. C'est, en premier lieu, la direction des affaires criminelles et des grâces, rattaché au ministère de la Justice, qui donne un avis avant que le président ne tranche.

Depuis quand existe cette tradition?

Inscrite dans la Constitution de 1958 (article 17), cette prérogative présidentielle est un héritage direct de la monarchie absolue. Sous la présidence de François Mitterrand, cette demande pouvait être faite à titre collectif, comme la grâce du 14-Juillet: le chef de l'Etat accordait systématiquement, dès 1991, des remises de peine collectives une fois par an. Des grâces qui ont concerné en moyenne 3.000 à 4.000 détenus par an, essentiellement dans le but de vider les prisons, précise Le Figaro.

Les infractions les plus graves, comme le terrorisme, les crimes contre l'humanité ou les mineurs, les délits financiers ou le racisme, étaient exclues de ce dispositif. Nicolas Sarkozy, en 2008, a mis un terme à cette pratique avec sa réforme constitutionnelle. Depuis, seules les grâces individuelles sont soumises au chef de l'Etat.

  • La grâce présidentielle est-elle souvent accordée?

Et non. Cette "faveur" présidentielle est très rarement accordée. Sous le mandat de Nicolas Sarkozy, quelque trente requêtes ont été acceptées: il s'agissait de remises de peine accordées à des détenus jugés particulièrement exemplaires, comme l'ex-préfet Jean-Charles Marchiani. Sous le mandat de son successeur, Philippe El Shennawy, condamné pour plusieurs braquages et évasions, a bénéficié en 2014 d'une grâce présidentielle partielle.

Parmi les cas les plus connus, l'ancien chef de la milice lyonnaise sous le régime de Vichy, Paul Touvier, avait été gracié en 1971 par Georges Pompidou de sa condamnation à mort. Cette décision avait profondément heurté l'opinion, notamment chez les anciens Résistants. Autre grâce présidentielle retentissante, celle d'Omar Raddad, condamné à 18 ans pour le meurtre de Ghislaine Marchal, dont il était le jardinier. C'est Jacques Chirac, en 1998, qui lui permettra de sortir de prison en lui accordant une grâce partielle. 

Jacqueline Sauvage a-t-elle une chance d'être graciée?

Il n'est pas impossible pour Jacqueline Sauvage, qui bénéficie d'un large soutien dans l'opinion, d'obtenir la grâce de François Hollande. L'une des avocates de la condamnée, Janine Bonnagiunta "sent vraiment un frémissement du côté de l'Elysée", a-t-elle confié à Metronews.

  • Mais son cas se heurte toutefois au fait que des jurés populaires, à deux reprises, l'ont condamnée. Et surtout au fait que François Hollande s'est souvent déclaré peu favorable au principe du droit de grâce, qu'il juge trop monarchique. Pendant sa campagne de 2012, il avait pris ses distances avec ce principe, estimant qu'il rappelait "quand même une autre conception du pouvoir". 
C. P.