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"J’ai envie qu’on dise : 'Putain, ce mec-là, il avait des idées!'" : comment Thierry Ardisson a préparé sa sortie

Le journaliste français Thierry Ardisson et son épouse la journaliste française Audrey Crespo-Mara, arrivent pour la projection de "Lawless" présenté en compétition au 65e festival du film de Cannes le 19 mai 2012 à Cannes

Le journaliste français Thierry Ardisson et son épouse la journaliste française Audrey Crespo-Mara, arrivent pour la projection de "Lawless" présenté en compétition au 65e festival du film de Cannes le 19 mai 2012 à Cannes - Alberto PIZZOLI © 2019 AFP

Le célèbre animateur, qui a succombé à un cancer du foie à 76 ans, avait mis en scène sa mort dans son dernier livre et confié, dans plusieurs interviews et portraits, penser au moindre détail de ses funérailles.

Jusqu'au bout, il aura voulu maîtriser son image. Avant de perdre son combat contre le cancer, il avait fait savoir par quelles personnalités il aimerait que lui soit rendu un hommage. Thierry Ardisson avait également préparé une vidéo de quinze minutes. Un condensé de toutes ses émissions. Un résumé de sa carrière se terminant par un générique, le seul qui vaille en ces circonstances, celui de Salut les terriens... Toutes ses séquences cultes, comme le fameux "Sucer, c'est tromper?" n'y figurent pas. Le goût du contrôle toujours.

Le grand homme de télévision, producteur et animateur, a sévi pendant quarante ans dans le PAF, à coups d'interviews cinglantes, de provoc' et d'invités prestigieux. Il connaissait donc tous les rouages du circuit médiatique. Ainsi, avait-il pour habitude de demander une relecture avant la publication d'un article. Il savait aussi disséminer des informations au gré des rencontres avec les journalistes. Et calibrer ses interventions pour mesurer comment ses interviews allaient être reçues.

Comme le signale Léa Salamé dans un long post sur Instagram, l'animateur avait mis en scène sa mort dans son dernier livre, L'homme en noir à la manière de David Bowie, dont le dernier clip, celui du titre "Lazarus" se terminait dans un cercueil. "Quand j'ai lu le livre, je ne savais pas qu'il était malade. Aujourd'hui, je vais le relire, mais sans me marrer", ajoute-t-elle, visiblement très émue.

Sur sa chaîne YouTube "Arditube", en partenariat avec l’INA, qui recense les archives de toutes ses émissions, l'enfant terrible de la télé avait imaginé une rubrique "Breaking news" dont le but était de célébrer après leur mort les personnalités passée dans l’une de ses nombreuses émissions.

Pour sa propre disparition, il avait anticipé les éloges funèbres. "J’ai envie qu’on dise: 'Putain, ce mec-là, il avait des idées.' À la limite, le jour où je meurs, ça pourrait faire le titre du "20 Heures". C’est tout ce qu’il me faut, je n’ai pas besoin qu’on dise autre chose", confiait-il en 2022 à TV Magazine.

"J'aimerais que les trois femmes que j'ai épousées soient là"

Dans ses derniers entretiens, on retrouvait aussi des indices sur la manière dont il avait préparé sa sortie. L'homme en noir avait dessiné les contours de son enterrement, alors que la maladie le rongeait depuis plusieurs mois. "J'aimerais que les trois femmes que j'ai épousées soient là. Ma famille aussi. Mes potes. Quand je sentirai la mort approcher, j'écrirai tout", expliquait-il au Point. "Je veux l'encens, les enfants de chœur… La totale! J'ai déjà toute la playlist en tête. Je veux qu'on écoute Lazarus de David Bowie et In My Life des Beatles repris par Sean Connery."

"Je veux voir la mort arriver en face, pas qu’elle me prenne par surprise. Le jour où je sentirai la fin approcher, je déciderai de tous les détails pour mon enterrement", avait confié l'animateur au Parisien.

Maitrisant son image tout au long de sa carrière, Thierry Ardisson ne comptait pas manquer sa sortie. Pour preuve, une compilation de ses 40 ans de carrière a été envoyée a des journalistes. Sa diffusion faisait partie de ses "dernières volontés".

"La vie passe très vite, c'est un clin d'œil"

En pleine promotion de son livre aux allures de mémoires, l'animateur savait que ses jours étaient comptés. Depuis plusieurs mois, sa compagne et journaliste Audrey Crespo-Mara le filmait pour un documentaire, La Face cachée de l'homme en noir, diffusé prochainement sur TMC. Une manière, peut-être, de révéler un autre Ardisson, celui en dehors des plateaux télévisés. Mais, dans ce projet, demeure aussi l'impression que l'animateur devait maîtriser son image, même après sa mort.

Pudique, l'homme en noir parlera que très peu des maux qui l'affaiblissaient. À peine avait-il laissé échapper avoir arrêté la cigarette et l'alcool sur les conseils de ses médecins.

Mais la mort, il y pensait de plus en plus... sans qu'elle devienne, non plus, "une obsession", racontait-il au Point: "Si je crains la mort, c'est davantage sur le plan métaphysique. La vie passe très vite, c'est un clin d'œil. J'ai essayé de la vivre au maximum, mais il y a toujours ce sentiment de 'non-fini'. Je mourrai avec des idées d'émissions et de livres en tête."

Sophie Hienard