Pourquoi le drapeau de One Piece est-il devenu un symbole d'opposition en Indonésie?

Des citoyens indonésiens ont délaissé le drapeau national au profit du celui des pirates de paille du célèbre manga japonais de Eiichirō Oda. Un phénomène viral qui a provoqué la colère des autorités à quelques jours du 80e anniversaire de l'indépendance du pays.

En Indonésie, sur les toits, les véhicules, il n'est pas inhabituel d'y voir le drapeau national rouge et blanc. Mais, ces derniers jours, un autre l'accompagne, arborant une tête de mort coiffée d'un chapeau de paille… Une bannière issue de la série animée japonaise One Piece.

Si ce geste peut paraître insolite, il est en réalité politique. De nombreux Indonésiens ont adopté ce drapeau pirate du manga de Eiichirō Oda, comme un acte de mécontentement envers la corruption et le pouvoir en place. Ce même drapeau a été interdit par les autorités indonésiennes dans l'espace public.

Cette tendance issue des réseaux sociaux s'est transformée en vague de protestation pacifique à travers le pays, à quelques jours de la célébration du 80e anniversaire de l'indépendance de l'archipel le 17 août.

Ce mouvement a trouvé un écho inédit sur la scène internationale. Plusieurs comptes vérifiés ont en effet partagé des vidéos et clichés de ce phénomène, à commencer par le compte X Today Anime News, dont un post est devenu viral le 2 août 2025. Ce jeudi 7 août, il avait été repartagé plus de 12.000 fois et vu par plus de deux millions de personnes.

Une révolte portée par la jeunesse

Face à ce mouvement, le vice-président du Parlement Sufmi Dasco Ahmad (du parti au pouvoir, Gerindra) a mis en garde contre une "tentative systématique" de diviser l'Indonésie après la diffusion virale de vidéos montrant des drapeaux One Piece dans différentes régions du pays, comme le rapporte le Jakarta Globe.

Cette protestation intervient dans un contexte politique particulièrement délicat pour le président Prabowo Subianto. Le gouvernement indonésien, dirigé par le parti conservateur Gerindra, fait l'objet d'un examen international pour des restrictions présumées sur la liberté d'expression, de religion et d'orientation sexuelle selon un rapport de Human Rights Watch publié en 2025.

Des manifestations, à l'échelle nationale, surnommées "Indonesia Gelap" ("Sombre Indonésie"), ont déjà déstabilisé la présidence au début de l'année, selon le Jakarta Post. Portées par la jeunesse indonésienne, ces protestations étaient initialement axées sur les réformes du droit militaire et se sont très vite étendues à des questions sociales plus larges, comme l'austérité, la corruption et les violences policières.

Sophie Hienard