Une maquilleuse réalise son rêve à Cannes après avoir fui l'Ukraine

La maquilleuse ukrainienne Aliona Antonova (à gauche) maquille un modèle dans un salon en marge de la 75e édition du Festival de Cannes, le 22 mai 2022. - Deborah Cole - AFP
L'histoire Aliona Antonova est digne d'un film hollywoodien. Cette odysée a commencé le 24 février, aux premiers bombardements de sa ville natale, Odessa, tout près du salon de beauté et de l'école d'esthétique de cette maquilleuse ukrainienne.
Après avoir fui l'Ukraine, au lendemain de l'invasion russe, cette mère célibataire de 31 ans se retrouve aujourd'hui à maquiller les invités pour le tapis rouge du prestigieux festival de Cannes.
"J'ai confiance dans mon étoile", a-t-elle confié à l'AFP. "Quand j'ai décidé de venir ici, je ne savais pas si je trouverais des clients ou des étudiants, mais je savais que je devais venir".
"J'ai cru que ce n'était pas vrai"
La vie d'Aliona a basculé lors d'une matinée terrifiante, trois mois plus tôt. La veille encore, "je me disputais avec mon oncle qui me soutenait que la guerre allait éclater. Je n'y croyais pas mais quand je me suis couchée j'ai ressenti quelque chose de bizarre... c'était la peur", raconte-t-elle.
À 06H00 du matin, son frère la réveille en lui annonçant la nouvelle et en lui disant de se préparer à fuir.
"J'ai appelé un taxi pour aller vérifier que tout allait bien dans mon salon, quand soudain j'ai entendu une bombe. J'étais sous le choc", confie-t-elle
Elle n'a pas regretté son départ précipité en Moldavie, voyant les énormes files d'attente à la frontière. Là-bas, elle a pu retrouver son fils de quatre ans, Micha, et ses parents se trouvaient déjà à Chisinau.
Aliona a pu retrouver du travail très vite, à Bruxelles et à Berlin, grâce à sa réputation sur Instagram (où elle compte 72.000 abonnés). Mais la maquilleuse a toujours rêvé d'aller à Cannes, un endroit où "on peut rencontrer en une seule fois toutes les stars qui sont d'habitude aux Etats-Unis".
Elle a contacté plusieurs salons cannois et dès le premier mail, a reçu une réponse positive: on lui proposait un stand où s'installer comme indépendante.
"J'ai été très surprise de voir à quel point c'était facile", assure-t-elle, "à tel point que jusqu'au premier jour à Cannes, j'ai cru que ce n'était pas vrai".
Elle travaille notamment à Cannes avec les femmes apparaissant dans le documentaire Netflix L'arnaqueur de Tinder.
"Il faudra tout reconstruire"
Sur la Croisette, elle a déjà repéré les actrices Julia Roberts et Anne Hathaway, ainsi que la mannequin brésilienne Adriana Lima. La trentenaire ne dit pas spontanément aux gens qu'elle est Ukrainienne, pour éviter qu'ils ne s'apitoient sur son sort.
"Dès qu'ils savent que je viens d'Ukraine, les gens m'apportent leur soutien. Ils me demandent comment je vais, comment va ma famille, c'est très gentil", explique-t-elle.
Aliona facture jusqu'à 300 euros un maquillage pour une soirée, et recherche des investisseurs pour lancer sa propre ligne de cosmétiques. Grâce à ces revenus, elle espère que Micha et sa mère pourront bientôt la rejoindre à Cannes.
Mais quand elle pense à l'avenir, son enthousiasme retombe et elle refoule ses larmes, avouant qu'elle se laisse parfois submerger par l'angoisse.
"Je pense que le monde entier est surpris de voir comme mon peuple est courageux", dit-elle. "J'espère que très bientôt tout cela sera fini, mais il faudra tout reconstruire et ce sera très dur".