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Cinéma

Rôles iconiques, néo-masculinité, engagement... Comment Pedro Pascal a conquis le monde

L'acteur Pedro Pascal le 23 mars 2025 lors de l'avant-première de la saison 2 de "The Last of Us"

L'acteur Pedro Pascal le 23 mars 2025 lors de l'avant-première de la saison 2 de "The Last of Us" - Chris Delmas

Le quinquagénaire, révélé sur le tard dans Game of Thrones et propulsé au rang d'icône par The Last of us, associe charisme, rôles bien sentis et engagement politique.

Cet été, dans les salles obscures, Pedro Pascal se décline en trois saisons: version célibataire gentil mais trop rationaliste (Materialists de Celine Song, en salles le 2 juillet), maire méprisant d'une bourgade au Nouveau-Mexique (Eddington d'Ari Aster, 16 juillet) ou super-héros intello moulé dans une combi bleu azur (Les Quatre Fantastiques: Premiers pas, 23 juillet).

La cote de popularité de l'acteur de 50 ans n'a pas explosé hier. Depuis plusieurs mois déjà, la "Pedro Pascal mania" s'imisce dans nos débriefs sériels et sur la timeline de nos réseaux sociaux - vidéos et édits TikTok relayés à gogo par les fans déclamant leur amour pour l'homme à la moustache.

Les médias aussi ont embrayé. En juin, Vanity Fair US a consacré sa Une au culte de l'acteur, titrant "Everyone wants a piece of Pedro Pascal" ("Tout le monde veut un morceau de Pedro Pascal") quand France Inter parle de la "naissance du pédropascalisme".

De "Buffy" à "Game of Thrones"

La carrière de l'Americano-Chilien a pourtant démarré sur le tard, à l'orée de la quarantaine. Il est né à Santiago au Chili, mais ses parents ont fui la dictature. Sa mère est une cousine du neveu de Salvador Allende, le leader du Mouvement de la gauche révolutionnaire renversé par Pinochet en 1973. Arrivé tout jeune aux États-Unis, il a grandi au Texas et en Californie.

Mais si Pedro Pascal a su très tôt qu'il voulait devenir acteur, il a mis deux décennies à percer. Après des études artistiques, ce fils d'un médecin spécialiste de la fertilité et d'une pédopsychiatre a enchaîné les rôles secondaires sur les planches et sur le petit écran. À son actif, une brève apparition dans Buffy contre les vampires, et de nombreux petits rôles dans des séries policières. Il en plaisantait d'ailleurs en 2023, dans son monologue d'ouverture de SNL.

"Au début de ma carrière, j'ai joué de petits rôles dans toutes les séries policières. J'ai même joué deux personnages différents dans 'New York, unité spéciale'".

On l'a ainsi (brièvement) croisé au début des années 2000 dans New York Police Blues, New York, section criminelle, New York, police judiciaire, FBI - Portés disparus, ou encore dans Homeland. Et dans quelques rôles plus récurrents dans The Good Wife ou Brothers & Sisters. En parallèle, il officie comme serveur dans des restaurants pour payer ses courses et ses soins médicaux.

C'est son rôle d'Oberyn Martell dans la quatrième saison de Game of Thrones qui le propulse sur le devant de la scène en 2014. Le personnage tient sept épisodes, ce qui est une belle longévité pour Game of Thrones, et s'offre surtout une des morts les plus spectaculaires de la série, qui en compte pourtant des milliers.

À 42 ans, il devient l'agent de la DEA Javier Peña dans Narcos, puis ose quelques rôles d'action dans les blockbusters Kingsman: Le Cercle d'or, Equalizer 2 ou dans le film de super-héros Wonder Woman 1984.

Mais c'est le petit écran de nouveau, qui lui offre les rôles qui vont le rendre très populaire. En 2019, il est le héros casqué et pas bavard de The Mandalorian sur Disney+. En 2023, il campe Joel Miller, le paternel, tendre et triste, dans l'adaptation à succès du jeu vidéo The Last of us et s'incruste dans le Top 100 des personnes les plus influentes du monde du Time. Acclamée par la critique et par le public, la série HBO captive près de 32 millions de téléspectateurs par épisode en mai 2023. La "Pedro Pascal mania" est en marche.

L'homme enquille et s'immisce dans le cinéma d'auteur, jouant chez Pedro Almodóvar, Ethan Coen et donc plus récemment chez Celine Song et Ari Aster. Sans oublier ses partitions plus grand public dans Gladiator 2, Freaky Tales, Le Robot sauvage ou Les Quatre Fantastiques.

Un "sex symbol" qui s'éloigne des codes

Au-delà de la filmographie enviable de l'acteur, la "Pedro Pascal mania" repose, aussi, sur son physique athlétique - épaules carrées et biceps bodybuildés, mis en valeur dans Gladiator - et son charisme doux. Dès 2017, le Los Angeles Times l'a même érigé en "sex-symbol" de l'époque.

Son style sur les tapis rouges, audacieux et décalé, joue aussi pour beaucoup: chemisier à col lavallière violet, lunettes imposantes, T-shirt sans manches, décolleté, short, cuissardes et l'on en passe, l'acteur n'a pas peur de s'éloigner des codes.

Sur les réseaux, on le surnomme "Daddy" ou "Zaddy", en référence aux hommes d'âge mûr (comprendre: à partir de 40 ans) dont l'attitude est hautement séduisante.

"Il ne s'agit peut-être pas seulement d'une attirance physique..., avance sur Instagram Camilo Aguilera, psychologue, professeur à l’Université autonome du Chili. Cela va bien au-delà du fait qu’il soit le 'papa d’Internet' du moment". Pour le psychologue, le charme pascalien repose sur sa masculinité si particulière: "Chaleureuse mais ferme, protectrice mais pas dominatrice, vulnérable mais toujours forte".

Une nouvelle masculinité

À la manière d'un Timothée Chalamet, en version moins gracile et effilée, le quinquagénaire incarne ainsi une nouvelle facette de la masculinité post-#MeToo. Dans Vanity Fair, Spike Jonze, qui a dirigé l'acteur dans une publicité Apple est catégorique: "Je pense qu'il est ce que nous voulons être en matière de masculinité."

"Plus qu'un homme, un mouvement: pourquoi tout le monde aime Pedro Pascal", titrait ainsi le 19 juillet dernier El Pais, qui a consacré un long article au phénomène Pedro Pascal, incarnation d'un nouveau "modèle de masculinité".

Un flegme doublé d'une gentillesse à toute épreuve. Son dogme? "Être soi-même, traiter les gens avec respect, se respecter soi-même", confiait-il lors de la conférence de presse des Quatre Fantastiques à Paris.

Le New Yorker a résumé la chose en un dessin: un psy dans son cabinet essayant de rassurer son patient, allongé sur le sofa: "Ce n'est pas du tout étrange, beaucoup de personnes disent que leur foi en l'humanité repose entièrement sur la gentillesse de Pedro Pascal."

"Peu importe qui tu es, il ne change pas. Il est entier avec tout le monde et je pense que c’est pour ça qu’il est tant aimé", a confirmé Vanessa Kirby, sa partenaire de jeu dans Les Quatre Fantastiques, lors de cette même conférence de presse. À moins que ce soit son "immense vulnérabilité" qui l'explique: "Il n'a pas beaucoup d'armure, alors il se montre à vous immédiatement, et vous lui faites confiance", dit-elle dans Vanity Fair.

Ses positions politiques progressistes ont aussi fait beaucoup parler du l'acteur: soutien aux réfugiés, condamnation du "silence" sur le "génocide à Gaza" lors du dernier Festival de Cannes, critiques acerbes du règne trumpiste ou défense des personnes LGBTQ+. À commencer par sa jeune sœur, l'actrice Lux Pascal, qui a fait son coming out transgenre en 2021. Assurément, le quinquagénaire est de notre temps.

Estelle Aubin