Ultradroite, enquête... Ce que l'on sait de l'attaque contre une association de travailleurs immigrés à Paris

Un groupe d'une vingtaine d'individus de l'ultradroite a attaqué une personne au sein de l'association de travailleurs immigrés de Turquie (ACTIT) le dimanche 16 février dans le 10e arrondissement de Paris. Six personnes ont été interpellées par les forces de l'ordre.
• Des individus vêtus de noir filmés
Aux alentours de 17h20, une vingtaine de personnes cagoulées et munies de tessons de bouteille ont pénétré dans la cour d’un immeuble où se situe l'association, indique la préfecture de police. Le parquet de Paris communique sur "une trentaine d'individus" ayant "forcé la porte de l'immeuble".
Les faits se sont déroulés alors qu'un film d'un collectif antifasciste, Young Struggle Paris, était diffusé au sein de l'association. Une heure après le début de la session, des bruits se sont fait entendre dans la rue.
Sur la vidéo d'un témoin, filmant l'agression dans la cour de l'immeuble, la victime, à terre, est frappée par plusieurs individus et reçoit entre autres un violent coup de pied à la tête. Une autre vidéo, relayée sur X, montre le groupe vêtu de noir prendre la fuite dans la rue. L’un d’eux lance alors: "Paris est nazi!"
• La victime rouée de coups et blessée à l'arme blanche
La victime est un syndicaliste de la CGT, né en 1994. Après l'attaque, il présentait plusieurs plaies, dont une plus importante, pouvant avoir été causée par une arme blanche. Il a été transporté à l’hôpital avec un pronostic vital engagé, avant de sortir dans la nuit.
Au micro de BFMTV, il raconte que "ça a toqué à la porte en bas, on est descendu. Quand je suis arrivé, la porte était ouverte. J’ai vu tout de suite une vingtaine de personnes masquées, cagoulées, pour certaines avec des casques de moto. J’ai essayé de refermer la porte car j’ai senti que ce n’était pas bon”, raconte-t-il. Mais il ne parvient pas à empêcher les assaillants de rentrer.
"Ils m’ont tabassé sur dix mètres et m’ont roué de coups. Des vidéos ont circulé. J’ai pris plusieurs petits coups de couteau superficiels et de nombreux coups au visage", raconte-t-il.
Il s’en sort avec des plaies superficielles au niveau des mains et des contusions au niveau du visage. Deux jours d’arrêt lui ont été délivrés.
• Une enquête pour tentative d'homicide volontaire
Alertées, les forces de l’ordre se sont rendues sur place et ont pu repérer une partie des agresseurs. Six personnes ont été interpellées et placées en garde à vue, précise le parquet de Paris. D’après une source policière, les individus retrouvés appartiennent à la mouvance d’extrême droite radicale.
Une enquête pour tentative d’homicide volontaire a été confiée au 2e district de police judiciaire. Les investigations sont en cours pour déterminer les circonstances de ces faits, ainsi que le profil et la motivation des personnes interpellées. Le parquet de Paris indique ce lundi soir que les six gardes à vue ont été prolongées. Les investigations se poursuivent.
Le militant CGT affirme son intention, avec l’association, de porter plainte, expliquant toutefois ne pas s'attendre "à grand-chose de la part de la justice et de l’État”, mais "on va faire tout ce qu’il y a à faire pour que l’État prenne ses responsabilités et éventuellement dissolve ces groupes et fasse en sorte que cela ne se reproduise pas".
• Des stickers collés sur la plaque de l'association
Après l'attaque, l'association dit avoir découvert des traces du passage des assaillants. "Ils ont laissé sur la plaque de l’ACTIT deux stickers: un avec une croix celtique et un autre avec écrit Kop of Boulogne", raconte la victime. Les Kop of Boulogne sont un historique groupe de supporters d'extrême droite du Paris Saint-Germain.
D’après lui, ce local n’avait jamais été directement ciblé. “Dans le quartier, il y a eu d’autres attaques il y a plusieurs années et même plus récemment. On sait qu’ils sont passés dans le quartier de nuit faire des chants, faire des petites manifestations violentes masqués, mais on n’avait jamais été ciblés, donc on ne s’y attendait pas", explique-t-il.
Il ajoute: "On pense qu’ils ont vu qu’il y avait un film qui était estampillé antifasciste et que c’était une association de travailleurs immigrés, ça ne leur a pas plu, et la conjonction des deux a fait qu’ils nous ont pris pour cible".
Le collectif appelle à un rassemblement ce lundi à 18 heures devant la gare de l'Est à Paris.
• La CGT réagit
La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a réagi sur le réseau BlueSky. "Cette attaque, d’une violence inouïe, doit être fermement condamnée et les auteurs jugés. J’apporte tout mon soutien à l’ensemble des camarades attaqués", a-t-elle écrit.
Elie Joussellin, adjoint communiste à la mairie du 10e arrondissement, s’est rendu sur place en solidarité avec l’ACTIT. "On ne peut pas tolérer qu’il y ait dans le quartier des groupes fascistes qui empêchent la tenue d’événements antifascistes", martèle-t-il.
Dans un communiqué, Ian Brossat, sénateur communiste de Paris, déplore quant à lui un "événement qui fait froid dans le dos" et appelle la préfecture de police à prendre toutes les dispositions qui s'imposent" pour assurer la protection des militants antifascistes.