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Seine-Saint-Denis: un an de prison requis contre deux policiers après des tirs lors d'un refus d'obtempérer en 2021

Les deux policiers de la brigade anti-criminalité de Stains effectuait un contrôle en civil au moment des faits. (Illustration)

Les deux policiers de la brigade anti-criminalité de Stains effectuait un contrôle en civil au moment des faits. (Illustration) - THOMAS COEX / AFP

Le parquet a requis, ce jeudi 3 octobre, un an de prison à l'encontre des deux policiers qui avaient grièvement blessé deux personnes, après un refus d'obtempérer en 2021 en Seine-Saint-Denis.

Pour avoir tiré huit balles en six secondes, le parquet a requis, jeudi 3 octobre, un an de prison sous surveillance électronique à l'encontre de deux policiers qui avaient grièvement blessé un conducteur et sa passagère, après un refus d'obtempérer en 2021 en Seine-Saint-Denis.

La procureure a considéré que la majorité des tirs intervenaient "en réplique", et pas face à une situation de "menace actuelle". "Leur réplique est inadaptée, dangereuse" et "n'entre pas dans le cadre de la légitime défense, sauf pour le premier tir", a déclaré Fanny Bussac.

"Ils sortent du cadre légal d'emploi des armes", a-t-elle affirmé, requérant également l'interdiction du port d'arme, trois ans après les faits.

Huit balles tirées en 6.25 secondes

Le contrôle de l'équipage de la brigade anti-criminalité (BAC) de Stains, en civil et dans une voiture banalisée, s'était déroulé dans la nuit du 15 au 16 août, en Seine-Saint-Denis.

Une vidéo amateur, largement diffusée sur les réseaux sociaux, a capturé une partie de l'intervention qui succède à un premier échange entre les fonctionnaires et le conducteur alcoolisé.

L'un des policiers tente d'entrer dans l'habitacle de la voiture qui se met ensuite en marche arrière. Son collègue et lui font feu à plusieurs reprises, visant le conducteur. Huit balles sont tirées en 6,25 secondes.

"Ça pète de partout", s'est remémoré devant le tribunal Merryl, la passagère, expliquant s'être sentie partir. Tout comme Nordine, son pronostic vital a été engagé. Traversée par une balle, elle a subi une ablation de la rate et s'est vue prescrire 127 jours d'ITT.

"Ces tirs je les entends encore au quotidien. Ils nous ont brisés(...) Psychologiquement, je ne serai plus jamais la même", a affirmé la directrice de crèche de 43 ans. "Vous avez failli nous tuer", a-t-elle lancé aux prévenus qui ont assuré n'avoir pas été conscients de sa présence à l'arrière de la voiture.

Séquelles physiques et psychologiques

De son côté, Nordine, 40 ans, a été touché cinq fois, à l'abdomen, aux bras, à l'aine, à l'artère fémorale et au thorax, provoquant 127 jours d'incapacité totale de travail (ITT). Il est depuis handicapé et a perdu 10 centimètres à l'un de ses bras. Des éclats de balle subsistent dans son corps.

À ses entrées dans la salle d'audience, il a été accueilli par d'abondants applaudissements de ses nombreux soutiens. "J'angoisse beaucoup plus vite qu'avant. J'ai peur de ce qui peut m'arriver", a décrit Nordine sur ses séquelles psychologiques.

"On a essayé de rentrer dans mon véhicule de force, j'ai eu peur. À aucun moment je n'ai entendu police", a-t-il assuré. Les fonctionnaires ont eux répété que Nordine avait compris à qui il avait affaire malgré l'absence de signes distinctifs.

Dans une procédure annexe découlant des mêmes faits, Nordine a été condamné en appel à deux ans de prison pour refus d'obtempérer aggravé et violences volontaires.

"Un comportement de cowboy"

Les deux brigadiers, âgés de 30 et 33 ans, faisaient usage de leur arme pour la première fois. Durant l'audience, ils ont martelé avoir considéré que leur vie était en danger.

"Est-ce qu'il n'aurait pas mieux valu laisser partir le véhicule ?", interroge la présidente de la 14e chambre correctionnelle du tribunal, Dominique Pittilloni.

"Dans un premier temps, j'ai tenté de stopper le conducteur (...) Au moment où je prends la décision d'usage d'arme, je n'ai pas le choix", répond le policier qui a dégainé trois fois.

Le tribunal a également souligné que des tirs avaient eu lieu alors que la voiture était à l'arrêt. "On ne peut pas faire autrement qu'utiliser notre arme. Le danger est trop important", assure le brigadier. Son collègue a lui commencé à tirer alors qu'il se trouvait agrippé à califourchon à la voiture.

"On se dit que c'est un comportement de cowboy, pas de policier", remarque Me Didier Seban, avocat de Merryl. "Je peux entendre... mais c'était dans l'urgence", répond le prévenu. "On n'a jamais souhaité que les choses se passent comme ça", confie-t-il plus tard. L'intervention a eu lieu à 30 minutes de leur fin de service.

Depuis leur mise en examen, ils ne peuvent plus exercer sur la voie publique. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 7 novembre.

M. Fu avec AFP