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"On m’appelle le resto clandestin": en secret, des restaurants restent ouverts malgré l’interdiction

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En dépit des risques sanitaires et de la crainte d'une fermeture administrative, des restaurants ouvrent en secret. BFMTV a pu pénétrer dans l'un de ces établissements.

"C'est comme ça qu'on m'appelle en ce moment: le resto clandestin." Contrairement à l'écrasante majorité de ses confrères, ce propriétaire d'un restaurant a décidé de braver les interdictions et d'ouvrir son établissement à la clientèle pour des repas sur place. Si l'intéressé "a l'impression d'être dans un film", il sait pertinemment ce qui pourrait se passer s'il venait à être découvert. "Je peux risquer une fermeture administrative", résume-t-il.

Travailler dans le secret et l'illégalité pendant le confinement ne faisait pourtant pas partie des plans de ce gérant. Tout a commencé "le quatrième ou le cinquième jour", rembobine-t-il. Quatre clients arrivent devant son restaurant: "Bonjour. Est-ce qu'on peut rentrer?", lui demandent-ils.

Le propriétaire du restaurant pensait que les clients en question souhaitaient simplement effectuer une commande à emporter. Et ces derniers de reprendre: "On a l'habitude de venir ici. Est-ce qu'on peut s'assoir pour manger?". Le gérant ne se sent pas capable de dire non: "Je vous laisse mais essayez de faire un peu vite".

"Un client, deux clients, trois clients..."

C'est le début d'un engrenage. "Un client, deux clients, trois clients, des habitués... et puis voilà", souffle le restaurateur. Se sachant dans l'illégalité, il prend des précautions. "On ferme derrière nous, assure-t-il. On fait attention que personne ne voit que quelqu'un rentre".

L'intéressé a toutefois réduit la cadence par rapport aux jours d'ouverture autorisés. Il ne propose qu'un demi-service, contre trois habituellement. L'objectif n'est pas financier, dit-il, mais plutôt de regonfler le moral des clients.

L'un d'entre eux se réjouit de pouvoir profiter "de vraies assiettes, de vrais couverts". "On mange au chaud, en face de quelqu'un. Parler, c'est déjà plus intime", soulève-t-il. Et puis, "on participe à les aider, à donner un coup de main".

Il affirme être conscient des risques relatifs au partage d'un repas dans un restaurant. "J'ai eu le Covid donc je sais ce que c'est, insiste-t-il. On essaie de prendre le plus de précautions possibles. Je vais sortir de ce restaurant, je vais remettre mon masque".

"Est-ce qu'il faut condamner? Je ne suis pas certain"

Ce genre de pratiques reste marginal en France. "Est-ce qu'il faut condamner? Dénoncer? Je ne suis pas certain", estime ce mercredi sur BFMTV David Zenouda, co-fondateur du collectif "Restons ouverts" et vice-président du syndicat UMIH Paris.

Il décline deux types de restaurateurs œuvrant dans la clandestinité: "celui qui est à bout, qui veut faire plaisir à ses clients et qui ne le fait pas pour des raisons financières. Ou peut-être aussi parce qu'il ne peut plus rien faire d'autre que travailler, parce que les aides ne sont pas suffisantes. Et puis il y a celui qui le fait par copinage et qui se dit qu'il ne sera pas inquiété".

David Zenouda regrette que le gouvernement "cible ce secteur d'activité" et le désigne comme "responsable" de la diffusion de l'épidémie.

Quoi qu'il en soit, clients et gérants des restaurants ne pourront rouvrir légalement avant le 20 janvier prochain, si la situation sanitaire le permet.

Lisa Hadef et Antoine Corver avec Florian Bouhot