Qu'est-ce que le phénomène de ruissellement, qui empêche les sols secs d'absorber la pluie?

La pluie a enfin fait son retour sur le territoire et, une fois n'est pas coutume, elle a été accueillie avec soulagement. Après plusieurs semaines sans précipitation, la pluie a circulé ce mercredi sur les deux tiers nord du pays et devrait se poursuivre dans les prochains jours.
Mais ces précipitations seront-elles suffisantes pour enrayer la sécheresse qui se profile? En effet, l'eau peut bien tomber, encore faut-il qu'elle puisse être absorbée par les sols.
Des sols hydrophobes
Depuis pratiquement deux ans, la France connaît un déficit de pluie, ponctué par des périodes de canicule durant l'été. "On est à découvert aujourd'hui", abonde en ce sens sur BFMTV Gaël Musquet, météorologue spécialisé dans l'anticipation des catastrophes naturelles.
"Les nappes phréatiques n'ont pas été alimentées et rechargées depuis 2021", ajoute-t-il.
Cette sécheresse a des conséquences pour l'agriculture, pour le risque d'incendies ou encore pour la biodiversité. En outre, un effet de sécheresse prolongée sur les sols - comme dans le présent cas avec le déficit de pluviométrie - a pour conséquence de les rendre très secs: on dit qu'ils sont hydrophobes.
Phénomène de ruissellement
Cela signifie que les sols deviennent perméables avec une croûte qui s'est formée à la surface. Ainsi, l'eau ne peut s'y infiltrer et les pluies ou les fontes de neige vont, à l'inverse, ruisseler. Le sol fonctionne un peu comme une éponge: l'eau n'y pénètre pas de la même manière si elle est sèche ou déjà humide.
"Quand le sol est trop dur et trop sec, il n'absorbe pas l'eau", résume Gaël Musquet.
L'université de Reading, au Royaume-Uni, a publié l'été dernier une vidéo simplifiée de ce phénomène de ruissellement. Trois gobelets remplis d'eau sont renversés sur trois sols différents: une herbe mouillée, une herbe d'un été "normal" et un sol asséché lors d'une sécheresse.
Sur une pelouse humide, il ne faut que quelques secondes pour que l'eau s'infiltre dans le sol: on le dit "hydrophile". Cela prend une minute environ dans le deuxième cas de figure. En revanche, l'eau contenue dans le gobelet et posée sur un sol desséché n'est pas absorbée.
Risques d'inondations
Lorsque la pluie ruisselle, "elle forme une fine pellicule d’eau qui s’écoule le long des pentes et va gonfler les cours d’eau au fond des vallons", explique le CNRS sur son site internet.
"Toute cette eau est ensuite transportée à travers rivières puis fleuves jusqu’aux océans".
Des pluies abondantes sur des sols secs peuvent ainsi avoir des conséquences néfastes. Si le sol ne les absorbe pas, le ruissellement des précipitations peut en effet provoquer des inondations et des crues, voire des éboulements ou des coulées de boue, car elles risquent de se déverser rapidement dans les cours d'eau et les canalisations.
"Les sols asséchés ne sont plus en capacité d’absorber correctement les précipitations et cela peut provoquer des crues, des inondations et des glissements de terrain", prévient le Centre d’information sur l’eau.
En juillet 2021, l'Allemagne et la Belgique ont connu un tel phénomène avec des inondations meurtrières dans les deux pays.
L'importance de la végétation
Les pluies actuelles de ce début de mois de mars sont toutefois bienvenues. "Les cumuls de pluie de mardi à samedi s’annoncent importants sur une large partie du pays. Ils contribueront à améliorer significativement le niveau d’humidité des sols, particulièrement bas au 5 mars à l’échelle de la France", écrit Météo-France.
En revanche, pour que les précipitations soient les plus bénéfiques possibles, "il faudrait qu'il pleuve doucement, lentement et de manière continue", explique Gaël Musquet. En effet, il faut un certain temps de réhumidification avant que l’eau ne puisse être absorbée à nouveau par les sols.
En outre, pour favoriser la pénétration de l'eau vers les sols puis les nappes phréatiques, la présence de végétation est très utile. D'abord, elle retient la pluie à son arrivée, qui atteint donc de manière plus douce le sol. Ensuite, les végétaux vont également eux-mêmes absorber l'eau et entraîner l'infiltration dans les sols via leurs racines.