"Ça a marqué sa vie": l'effondrement de la rue d'Aubagne, le drame qui a "hanté" Jean-Claude Gaudin

Le drame de la rue d'Aubagne le 5 novembre (illustration). - Loic Aedo - AFP
Depuis ce lundi 20 mai, les hommages ne cessent d'affluer pour honorer la mémoire de Jean-Claude Gaudin, l'ancien maire de Marseille, mort à l'âge de 84 ans.
Si beaucoup soulignent l'héritage laissé par l'ancien édile dans sa ville natale, le souvenir douloureux et la critique ne tarissent pas sur la question de l'insalubrité des logements marseillais, avec le drame de la rue d'Aubagne comme figure de proue de la critique.
Le 5 novembre 2018, tandis que Jean-Claude Gaudin poursuit son quatrième mandat à la tête de la cité phocéenne, le quartier de Noailles est secoué aux alentours de 9 heures du matin par l'effondrement de deux immeubles vétustes de la rue d'Aubagne.
Un drame qui révèle l'ampleur du mal-logement
Huit personnes y ont perdu la vie, ensevelies sous les décombres des deux bâtiments effondrés, dont l'un appartenait à la ville de Marseille. De quoi rapidement jeter l'opprobre sur l'inaction des services municipaux sur la question du mal-logement.
La mairie est rapidement accusée d'avoir ignoré les alertes. L'onde de choc provoquée par le drame révèle l'ampleur du logement indigne, dans une ville où près de 40.000 personnes vivent dans des taudis.
Sur BFMTV en 2021, après la fin de son dernier mandat de maire achevé en 2020, Jean-Claude Gaudin avait répété que la tragédie de la rue d'Aubagne représentait un événement qui le "hante même encore aujourd'hui".
"C’est ce qui m’a le plus ému", assurait-il. "Ça m’a rappelé un autre drame, sous un de mes prédécesseurs, monsieur Henri Tasso, premier maire de Marseille. En 1938, en octobre, il y a eu, un soir, un feu dans un magasin sur la Canebière qu’on appelle 'Les nouvelles galeries'. Il y avait eu 73 morts. Ça a toujours hanté monsieur Henri Tasso. Moi de la même manière."
"Il a porté le deuil jusqu'à la fin"
Il avait toutefois tenté de se défendre encore une fois face aux attaques incriminant la responsabilité de sa municipalité dans le drame.
"La plupart des logements dits insalubres sont des copropriétés privées et les experts semblent dire que l’immeuble qui s’est effondré en premier était une copropriété privée", lançait le maire de Marseille dans cet entretien, assurant que des experts lui avait soutenu qu'il était possible de "continuer à recevoir les gens si on fait des travaux" dans les bâtiments vétustes.
Ses anciens collaborateurs soulignent aussi la peine qui était la sienne après le drame de la rue d'Aubagne. "Il a porté le deuil jusqu'à la fin", insiste ce lundi 20 mai sur BFM Marseille Provence Julien Ruas, ancien adjoint.
"Nous en parlions de façon régulière. Bien-sûr que ça a marqué sa vie. Jean-Claude Gaudin c'était Marseille et quand Marseille souffrait, il le ressentait dans sa chair", a souligné Julien Ruas, mis en examen dans le dossier de l'effondrement, et qui sera jugé en novembre prochain.
"Les drames que subissaient notre ville, plus récemment aussi avec la rue Tivoli qui a aussi coûté la vie à plusieurs Marseillaises et Marseillais, l'attentat de la gare Saint-Charles... A chaque fois qu'il y a eu des drames, des difficultés dans cette ville, il en a été meurtri", ajoute-t-il.
"Amour indéfectible"
Dans la foulée du drame, des milliers de personnes avaient dû être évacuées de logements déclarés en "péril imminent". Des collectifs d'habitants se sont créés, à l'instar de "Marseille en colère", présidée par Kaouther Ben Mohamed.
Invitée de BFM Marseille Provence ce mardi 21 mai, elle est revenue sur les mandats de l'ancien maire en rappelant qu'elle avait eu "de nombreux désaccords" avec lui et qu'elle avait même porté plainte "pour la question des écoles bien avant le drame de la rue d'Aubagne sur lequel nous étions opposés".
Elle a toutefois souhaité souligner qu'il existait "des instances de travail pour trouver des solutions pour les personnes qui avaient été délogées". Aux yeux de Kaouther Ben Mohamed, Jean-Claude Gaudin avait "un amour indéfectible pour Marseille, même s'il n'a pas aimé tous les enfants de Marseille", en reprenant cette citation qu'elle applique à l'ex-édile phocéen: "gardons nous de cette misère que je ne saurais voir".
"Même si nous avions des désaccords politiques profonds, que nous nous sommes affrontés plusieurs fois publiquement, ce serait malhonnête de se souvenir que de ces taches", explique la présidente du collectif Marseille en colère.
Kaouther Ben Mohamed ajoute d'ailleurs qu'elle appréciait, en dépit de nombreux désaccords comme celui sur la stèle commémorative de la rue d'Aubagne, le fait que Jean-Claude Gaudin "laissait l'espace de la rue chaque année pour organiser des hommages collectifs et citoyens, des choses par exemple que la majorité actuelle ne fait pas, (...) il laissait l'espace aux oppositions".
"Il serait déplacé, (...) et même si je ne partage pas les mêmes convictions politiques, au vu de sa position au sein de Marseille et au sein du pays, de ne pas lui rendre un hommage national", conclut-elle. assurant qu'elle se rendra à la cathédrale de la Major pour l'hommage prévu à Jean-Claude Gaudin, sans être "sûre de signer le livret de condoléances". Ses obsèques seront célébrées ce jeudi.
Le procès sur les responsabilités de l'effondrement de la rue d'Aubagne, doit quant à lui se dérouler à partir de novembre prochain.