Municipales à Lyon: pourquoi Jean-Michel Aulas fait durer le suspense autour de l'annonce de sa candidature

L'ex-président de l'OL, Jean-Michel Aulas - T. Padilla
Jean-Michel Aulas candidat à la mairie de Lyon? L'hypothèse suscite autant de divisions que d'intérêt et semble, après plusieurs mois de déclarations entretenant le suspense dans la presse et sur les réseaux sociaux, se confirmer.
Lors de l'événement le Top 500 des Lyonnais organisé par le magazine Lyon People, l'entrepreneur a assuré qu'il ne "ferait pas attendre très longtemps", ce jeudi 19 juin. Il a ajouté: "D'ici la fin du mois de juin, je vous dirai comment je vais y aller et avec qui." Une annonce qui pourrait sonner définitivement le début de sa campagne, à moins de dix mois des élections, dans l'une des villes les plus convoitées de la métropole.
Un suspense entretenu sur plusieurs mois
"J'y réfléchis, bien sûr" en février, pas de prise de décision en mars, puis une candidature "pas d'actualité" en mai, avant de déclarer: "il y a plus de chances que j'y aille" en juin, l'entrepreneur de 76 ans a joué avec les nerfs des partis et candidats en temporisant au maximum quant à la netteté de ses intentions.
Pour Nathalie Perrin-Gilbert, candidate aux élections municipales avec sa liste Lyon en Commun, ce délai avant l'annonce tient en une raison simple. "Selon moi, Jean-Michel Aulas attend que la réforme de la loi PLM passe", indique-t-elle auprès de BFMTV.com.
Ce texte entend mettre fin au mode de scrutin mis en place en 1982 dans la loi PLM, en vertu duquel les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers.
Dans le cas où la réforme PLM passe, une "forme de personnalisation de l'élection" va prendre du poids, à l'avantage ainsi de Jean-Michel Aulas. "Je pense qu'il veut se présenter comme la solution aux problèmes que peuvent rencontrer les Lyonnais, superviser. Faire une campagne hyper médiatique, laisser le terrain à ses têtes de listes d'arrondissement", analyse Nathalie Perrin-Gilbert.
"Il y aurait eu un engagement de Renaissance pour que la réforme passe", croit savoir l'ancienne adjointe à la culture à la mairie de Lyon. La commission mixte paritaire pour cette réforme s'est justement réunie ce mardi 24 juin. Aucun accord n'a été trouvé entre les députés et sénateurs, repoussant toujours plus la décision finale.
Un programme et des idées encore peu dévoilés
Durant cette période de tractation, l'ancien président de l'OL dit avoir beaucoup réfléchi et consulté avant de prendre sa décision finale. Si ses attaques contre le bloc municipal donnent une tendance, un grand flou se dégage du programme qu'il porte.
En mai dernier, il promettait que des "idées innovantes et concrètes se dessinent". La volonté de "faire différemment" est avancée pour "que Lyon brille comme Lyon a déjà brillé depuis longtemps".
Parmi ces bribes d'annonces, le dirigeant d'entreprise a distillé plusieurs orientations, dont la sécurité "partout et pour tous", la "propreté et dignité" rendues à la ville de Lyon ou des "équipements sportifs à la hauteur de la pratique des amateurs, et en priorité des femmes".
La volonté de "faire événement"
Avec Laurent Thiong-Kay et Jean-Michel Rampon, Charlotte Dolez, maîtresse de conférences en science politique à l'IEP de Lyon, a lancé un projet de recherche sur le suivi de la campagne et la mise en récit des candidats à Lyon. D'après ses recherches, Jean-Michel Aulas cherche ainsi davantage à "faire événement" plutôt que campagne.
Le fondateur de la société Cegid joue "sur une forme de dépolitisation du débat, face à une majorité de gauche et écologiste qualifiée par leurs opposants de 'dogmatique' et d’'idéologique'".
"Il crée à la fois une attente autour d’une potentielle candidature, suscitant une forme de suspense, et il oblige aussi ce faisant d’autres personnalités de la droite lyonnaise à se prononcer sur sa candidature", analyse Charlotte Dolez.
Une manière "d'éviter d'être étiqueté comme concurrent politique dix mois avant l'échéance et sans doute aussi pour laisser le temps aux autres officiels ou potentiels candidats du centre et de la droite de le rejoindre", poursuit-elle.
Face à une sociologie des habitants de Lyon "plutôt en faveur de la majorité sortante", l'enjeu de la candidature "publicisée comme étant moins partisane" d'Aulas est "à la fois la volonté de rassembler les voix de droite et du centre, ainsi que d’aller chercher de potentiels abstentionnistes", complète la maîtresse de conférences.
Une analyse que ne partage pas Jean-Arnaud Niepceron, cofondateur de Génération Aulas pour qui l'ancien président de l'OL est "quelqu'un de sincère dans son engagement, qui n'est pas là pour construire un plan ou une carrière politique" et qui veut suivre "une démarche de sincérité la plus large possible".
Rassemblement à droite et dans le camp présidentiel
Jusqu'à présent, le chef Christophe Marguin, un temps candidat, le sénateur du Rhône Étienne Blanc ou le maire (LR) de saint-Priest Gilles Gascon se sont rangés derrière lui au grand dam de Pierre Oliver, maire (LR) du 2e arrondissement de Lyon, qui a annoncé sa candidature 25 mars dernier.
"Je pense qu'on doit travailler ensemble mais autour d'un projet, pas autour d'un recasage de personnalités", avait-t-il jugé auprès de BFM Lyon. "Il faut savoir aussi convertir la notoriété en bulletins de vote, ce n'est pas toujours le cas", a-t-il lancé.
Le parti Horizons, par la voix d'Emmanuel Hamelin, s'est également dit prêt à soutenir sa candidature tandis qu'une rencontre entre "JMA" et Gabriel Attal a eu lieu. À droite et pour le camp présidentiel, le rassemblement autour de l'influent septuagénaire semble ainsi être l'option privilégiée alors que le maire et le président de la Métropole sont les cibles privilégiées des figures droitières locales.
Grégory Doucet en cible providentielle
Pour combler ce manque de propositions, l'homme d'affaires de 76 ans a, pour l'heure, joué la carte de l'offensive. À ce jeu, le bilan du maire écologiste Grégory Doucet est son terrain favori. Pour "JMA", sous son mandat, Lyon est devenue une ville "non sécurisée, complètement saturée, donc polluée, exsangue financièrement".
Sur X notamment, Jean-Michel Aulas a multiplié les attaques directes et affiche un profond rejet de l'équipe municipale en poste et notamment de Grégory Doucet ou son pendant à la Métropole Bruno Bernard.
"Il veut installer un débat Aulas contre Doucet pour rallier les mécontents", soutient Nathalie Perrin-Gilbert. "Mais ça ne suffit pas, il faut proposer aussi. Ce que j'observe, c'est qu'il est très dans la surenchère", poursuit-elle, déplorant de nombreux "effets d'annonce".
Parmi ceux-là, la suppression du cabinet du maire, le renoncement à ses indemnités de maire en cas d'élection (la fortune de l'homme d'affaires est estimée à 450 millions d'euros, ndlr) ou l'extension de la gratuité des transports. Des mesures jugées populistes par l'opposition.
Pour Jean-Arnaud Niepceron, de Génération Aulas, cette communication offensive en ligne n'est que le fruit de l'impact sur la vie personnelle du multi-entrepreneur. "Il communique par rapport à ce qui le touche directement, c'est quelqu'un qui vit et habite à Lyon, qui y fait ses courses comme tout un chacun."