BFMTV
International

Washington juge que l'heure de la transition a sonné en Egypte

Manifestants place Tahrir, dans le centre du Caire, pendant la retransmission du discours télévisé de Hosni Moubarak. Le président égyptien a annoncé qu'après 30 ans de règne, il ne briguerait pas un septième mandat lors de la prochaine présidentielle en

Manifestants place Tahrir, dans le centre du Caire, pendant la retransmission du discours télévisé de Hosni Moubarak. Le président égyptien a annoncé qu'après 30 ans de règne, il ne briguerait pas un septième mandat lors de la prochaine présidentielle en - -

par Caren Bohan et Andrew Quinn WASHINGTON/LE CAIRE (Reuters) - A quelques heures d'intervalle, Hosni Moubarak et Barack Obama ont reconnu mardi...

par Caren Bohan et Andrew Quinn

WASHINGTON/LE CAIRE (Reuters) - A quelques heures d'intervalle, Hosni Moubarak et Barack Obama ont reconnu mardi soir que les changements politiques étaient inéluctables en Egypte alors que l'opposition a réussi à mobiliser plus d'un million de personnes au Caire pour réclamer le départ du président au pouvoir depuis 30 ans.

Cette journée de mobilisation, après une semaine de manifestations qui ont fait 300 morts et plus de 3.000 blessés selon l'Onu, a confirmé l'ampleur d'un mouvement qui ne cesse de se renforcer.

Depuis le début de cette crise politique, les Etats-Unis se montrent prudents à l'égard de leur allié égyptien, pièce essentielle dans le jeu diplomatique au Proche-Orient. L'Egypte joue le rôle d'un contrepoids à l'influence de l'Iran et est un des deux Etats arabes à avoir signé une paix avec Israël.

Face à la contestation croissante, Barack Obama est intervenu directement dans la crise mardi soir, estimant que le changement politique devait débuter immédiatement en Egypte.

Le président américain a fait une brève allocution depuis la Maison blanche, après un entretien téléphonique d'une demi-heure avec Hosni Moubarak.

"Ce qui est clair et ce que j'ai indiqué au président Moubarak est que mon sentiment est que la transition politique doit être profonde, qu'elle doit être pacifique et qu'elle doit commencer maintenant", a dit Obama.

L'hôte de la Maison blanche a également noté qu'Hosni Moubarak a lui-même reconnu la nécessité de changements et a admis l'impossibilité de maintenir un statu quo.

MOUBARAK REFUSE DE PARTIR

De son côté, Moubarak a également tenu compte du message que lui envoie la rue depuis huit jours. Il est à nouveau intervenu à la télévision nationale pour annoncer qu'après 30 ans de règne, il ne briguera pas un septième mandat lors de la prochaine présidentielle en septembre.

"Je dis en toute honnêteté et sans considération pour la situation actuelle que je n'ai pas l'intention de briguer un nouveau mandat présidentiel. J'ai passé suffisamment d'années de ma vie au service de l'Egypte et de son peuple", a déclaré le chef de l'Etat.

En revanche, Moubarak n'a aucunement l'intention de suivre la voie empruntée par le président tunisien Zine ben Ali, chassé du pouvoir par la rue le 14 janvier.

"C'est mon pays et je mourrai sur ce sol", a promis le président, âgé de 82 ans, expliquant qu'il allait travailler dans les derniers mois de son mandat à assurer une transition pacifique du pouvoir.

C'est cette question du calendrier sur laquelle Moubarak et Obama ne sont pas forcément en accord. Après l'intervention du président américain, un responsable de l'administration américaine est venu répéter que l'heure du changement en Egypte a sonné.

"Le président a eu une conversation directe et franche avec le président Moubarak", a dit ce responsable. "Il (Moubarak) a clairement dit qu'il aimait son pays et combien cela était difficile pour lui. Le président Obama lui a expliqué qu'une transition ordonnée ne pouvait pas être retardée, qu'elle devait débuter maintenant".

Bien qu'il continue à accentuer la pression sur un Moubarak, qui fut toujours un partenaire fidèle des Etats-Unis, Obama a exprimé les sentiments qui traversent son administration depuis le début de cette crise: la prudence et l'inquiétude. Il a reconnu que de nombreuses questions demeuraient en suspens et que des jours difficiles étaient à prévoir.

Toutefois, il s'est attaché à délivrer deux messages, le premier à destination de l'armée, acteur central dans le jeu politique égyptien depuis 60 ans, et l'autre à l'égard de la rue.

APPEL D'OBAMA AUX MILITAIRES

Il a appelé les militaires à conserver une attitude de neutralité et à poursuivre leurs efforts pour s'assurer que cette période de changement se déroule sans violence.

Il s'est ensuite directement adressé aux manifestants dont il dit avoir entendu les demandes.

"Je veux me montrer clair à l'égard du peuple d'Egypte et en particulier à l'égard de sa jeunesse: nous avons entendu votre voix. J'ai la conviction indéfectible que vous déterminerez votre propre destin et que vous saisirez la promesse d'un avenir meilleur pour vos enfants et vos petits-enfants".

Face à l'incertitude qui règne justement autour de cet avenir, Obama a rappelé que les Etats-Unis se tenaient prêts à fournir toute l'aide nécessaire au peuple égyptien une fois terminée la vague de contestation actuelle.

Ces annonces n'ont pas convaincu l'opposant Mohamed ElBaradeï, lauréat du prix Nobel de la paix, qui s'est imposé comme l'une des figures de proue de la contestation.

"Malheureusement, il (Moubarak) ne va faire que prolonger l'agonie pendant six ou sept mois. Il continue de susciter la colère des gens et d'avoir recours à la violence", a dit ElBaradeï.

"Quels que soient ceux qui lui donnent des conseils, ils lui donnent les mauvais conseils", a-t-il affirmé, répétant qu'à ses yeux la seule solution réside dans le départ de Moubarak.

La télévision publique égyptienne, qui a largement ignoré les manifestations de l'opposition, a montré mardi soir des images de partisans du président tandis que la chaîne Al Djazira faisait état d'affrontements entre pro et anti-Moubarak à Alexandrie.

Matt Stepalnick, Alister Bull, Toby Zakaria, Arshad Mohammed; Pierre Sérisier pour le service français