Viaduc effondré à Gênes: quelques pistes et des tonnes de questions

Après la catastrophe de l'effondrement du pont Morandi qui a fait au moins 38 morts, notre spécialiste des transports Gérard Feldzer fait le point sur les questions soulevées par cet effondrement. Oeuvre du "Eiffel italien" aussi surnommé le "roi du béton", ce pont posait des problèmes depuis des années. La polémique commence à monter en Italie alors que le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini a déclaré qu'il fera "tout pour avoir les noms et les prénoms des responsables passés et présents". Le premier patronyme qui sort dans la chaîne de responsabilité est évidemment celui du concepteur de l'ouvrage alors que dès 1967, une controverse était née sur la viabilité de ce pont de 1.182 mètres de long.
> Dès le début, un problème de conception?
Le matériau de prédilection de Riccardo Morandi était "le béton armé", explique Gérard Feldzer. Mais avec le temps son usage immodéré peut poser des problèmes. "Il a construit énormément de ponts à travers toute l'Italie. Simplement, avec les nouvelles normes européennes, des faiblesses ont été constatées en 2014. Il fallait donc rénover. Un professeur de génie de civil de Gênes a constaté des défaillances. On s'est posé la question de savoir si on devait reconstruire un pont neuf, parce que le coût de l'entretien de ce pont devenait excessif."
"Entre 2013 et 2018, dix ponts se sont effondrés, dont un en Sicile dix jours après son inauguration. Donc ça pose évidemment quelques questions."
> Une fois les responsabilités établies, qui va payer?
Si l'urgence est à la recherche d'éventuels survivants, la question de l'établissement des responsabilités et des réparations se posera rapidement.
"Se pose aussi la question financière. Est-ce l'Etat, est-ce le concessionnaire? Il s'agit d'un important groupe international italien (Autostrade, NDLR) qui a dégagé un milliard d'euros de bénéfices l'année dernière."
> Comment se déroulent, ou devrait se dérouler les inspections?
D'autres ouvrages risquent-ils de lâcher en Europe? Les normes de sécurité et de contrôle doivent-elles être renforcées? Une myriade de questions se posent pour l'avenir de ces ouvrages. Ironie du sort, ces questions faisaient partie des préoccupations récentes des Européens.
"En 2018, les meilleurs spécialistes de ce genre de structures se sont réunis à Bruxelles pour établie les normes et surtout faire une base de données sur l'état des ponts en Europe. Il y a 800.000 ouvrages d'art, ce qui représente, en valeur neuve, 800 milliards d'euros."
Difficile d'affirmer en l'espèce qu'aucune défaillance ne saurait être pointée. Mais comment se déroulent ces inspections?
Il y a "au minimum des inspections visuelles tous les ans et une visite approfondie, en général tous les six ans. Mais ça peut être ramené à trois ans s'il s'agit d'une zone urbaine ou si des défaillances sont constatées. (...) Les analyses approfondies, ce sont des spectrographes, des analyses de couleur, de chaleur dégagée". Elles sont réalisées à l'aide de "drones ou avec des inspecteurs spécialisés qui doivent monter à 100m de haut pour inspecter les câbles. Tout ça est normé, mais ça va sans doute se renforcer."