Tensions croissantes autour des opposants

Une "chemise rouge" sur une barricade de bambous et de pneus érigée dans le quartier de Silom à Bangkok. La crainte d'un violent affrontement devient plus pressante en Thaïlande, où les manifestants anti-gouvernementaux ont bloqué l'entrée de convois de p - -
par Ambika Ahuja
BANGKOK (Reuters) - Le gouvernement thaïlandais menace de durcir le ton à l'égard des manifestants retranchés dans le quartier commerçant de Bangkok depuis sept semaines alors que la crainte d'un violent affrontement devient de plus en plus pressante.
Les "chemises rouges" ont continué à se barricader et à encourager leurs partisans à manifester dans tout le pays, sachant que les autorités redoutent de lancer un assaut qui risquerait de se solder par un bain de sang.
Le vice-Premier ministre thaïlandais, Suthep Thuangsuban, a toutefois déclaré mardi que le temps de l'indulgence était révolu à l'égard des manifestants, qui soutiennent l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra.
"Les autorités vont intensifier les opérations. Il est clair que les manifestants ne se rassemblent pas pacifiquement. Nous ne serons plus indulgents avec ces personnes", a-t-il dit à la presse.
L'espoir d'une fin de la crise politique qui paralyse Bangkok s'est évanoui durant le week-end, avec le rejet par le Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, d'une proposition des manifestants portant sur la tenue d'élections législatives dans un délai de trois mois. Les violences ont fait 26 morts et des centaines de blessés depuis le début du mouvement.
Les "chemises rouges", qui multiplient les opérations coups de poing, ont menacé de repasser à l'offensive mercredi en organisant des manifestations mobiles à travers la capitale, un geste de défi à l'égard des mesures d'état d'urgence prises par les autorités.
MÉTRO AÉRIEN FERMÉ, CNN INTERROMPU
Dans la nuit, plusieurs centaines de manifestants se sont regroupés sur la route Vipavadi-Rangsit, un axe important permettant l'entrée par le Nord dans la capitale thaïlandaise, afin de barrer la route aux renforts militaires et policiers. Certains camions ont toutefois pu passer.
Les manifestants occupant le centre-ville ont quant à eux bloqué le métro aérien de la capitale dans le but d'empêcher une intervention des forces de sécurité par cette voie. En conséquence, l'opérateur du réseau, BTS, l'a brièvement fermé par mesure de sécurité, aggravant la congestion des rues souvent embouteillées de Bangkok.
Lundi soir, l'armée a fait circuler un organigramme présentant une liste de personnes accusées par le gouvernement d'être impliquée dans un réseau antimonarchiste.
La liste inclut Thaksin Shinawatra, plusieurs dirigeants des "chemises rouges", des universitaires et divers responsables de radios et sites internet d'opposition.
Les autorités ont laissé entendre que les "chemises rouges" pourraient avoir l'objectif de faire de la Thaïlande une république, alors que la monarchie y est une institution quasi sacrée. Les opposants démentent une telle intention.
Le groupe rival des "chemises jaunes", favorable au gouvernement, a annoncé qu'il se rassemblerait jeudi devant la caserne militaire où le Premier ministre Abhisit Vejjajiva a provisoirement installé ses bureaux.
Ils prévoient d'exiger une intervention contre "les chemises rouges" et l'instauration de la loi martiale dans les zones du pays où des barrages ont été établis par les opposants.
Si le gouvernement n'agit pas, ils ont prévenu qu'ils s'en chargeraient, faisant planer la menace d'un conflit civil. En 2008, les "chemises jaunes" ont assiégé trois mois durant le siège du gouvernement et paralysé pendant huit jours les aéroports de la capitale.
Des diplomates et des analystes tempèrent toutefois la menace et pensent que la situation vire davantage à la guerre psychologique entre les deux camps.
"Aucun des deux camps ne peut espérer une victoire immédiate et absolue s'il y a une autre bataille", souligne l'historien Charnvit Kasertsiri. "Cette impasse devrait durer, avec de nombreux coups d'éclat politiques, tant qu'un véritable compromis n'aura pas été obtenu."
Mardi, la diffusion sur CNN d'une intervention de Thaksin retransmise du Monténégro, dont il a obtenu la citoyenneté, a été brutalement interrompue et un message d'excuse est apparu à l'écran. Le gouvernement a accru le contrôle sur les médias en vertu du décret d'état d'urgence.
Avec le bureau de Bangkok. Gregory Schwartz et Clément Dossin pour le service français