Rupture consommée entre Silvio Berlusconi et Gianfranco Fini

Silvio Berlusconi en discussion avec la ministre pour l'Egalité des chances Mara Carfagna au parlement de Rome. La rupture entre le camp Berlusconi et la faction Fini au sein du Peuple de la liberté risque de conduire l'Italie à des élections législatives - -
par Philip Pullella
ROME (Reuters) - Le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, a rompu avec Gianfranco Fini, qui fut son plus puissant allié conservateur, mais il a assuré que la rupture n'affecterait pas la stabilité de son gouvernement.
Après des mois de tensions et même d'hostilité ouverte entre Berlusconi et Fini, président de la Chambre des députés et cofondateur de leur parti, le Peuple de la liberté (PDL), ce parti a publié un document dénonçant les positions dissidentes de Fini.
Le document, signé par 33 des 36 membres de la présidence du PDL, reproche à Fini des positions et des initiatives jugées incompatibles avec la ligne du parti.
Il accuse Fini de se livrer à une opposition politique au sein de son propre parti et de tenter de le faire mourir de mort lente.
Berlusconi a affirmé lors d'une conférence de presse que cette censure de Fini n'aurait aucun effet sur la stabilité de son gouvernement, en place depuis deux ans, bien que Fini contrôle apparemment le vote d'une cinquantaine de députés.
"Il n'y a aucun risque", a assuré Berlusconi. "Nous disposons d'une majorité".
MORALITE
Pier Luigi Bersani, dirigeant de l'opposition, a déclaré que Berlusconi devrait reconnaître que son gouvernement est plongé dans une crise profonde et qu'il devrait s'exprimer devant le Parlement.
Plusieurs députés fidèles à Fini ont signé des lettres informant Berlusconi de ce qu'ils ne se considèrent plus membres du PDL et qu'ils constitueront leur propre faction au Parlement.
Berlusconi a déclaré que ce serait aux parlementaires de décider eux-mêmes si Fini doit rester président de la Chambre.
Fini a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de démissionner de cette fonction en raison de la lettre de censure, qui ne va cependant pas jusqu'à l'exclure du PDL.
Berlusconi est depuis des mois en conflit ouvert avec Fini, ce qui laisse craindre que le gouvernement de droite tombe bien avant l'échéance des élections législatives de 2013.
Fini a irrité le président du Conseil en insistant sur les thèmes de la moralité et de la légalité au sein du gouvernement et en affirmant que les responsables impliqués dans des enquêtes judiciaires devraient démissionner.
Il a aussi contribué à édulcorer un projet de loi de Berlusconi limitant l'utilisation d'écoutes par les magistrats et qui aurait fortement réduit la possibilité pour la presse de faire état de transcriptions d'écoutes. Selon ses détracteurs, le texte initial aurait entravé la lutte contre la corruption.
OFFRE DE DERNIERE MINUTE
Dans une interview que publiait jeudi le journal Il Foglio, Gianfranco Fini se déclarait prêt à trouver un accord avec Silvio Berlusconi pour mettre un terme à leur rivalité de plus en plus vive.
"Mettons tout à plat, sans ressentiment", disait-il. "Berlusconi et moi-même n'avons pas le devoir d'être amis, pas même celui d'apparaître comme amis, mais nous nous devons d'honorer des engagements politiques et électoraux envers le peuple italien".
Mais le "Cavaliere" a repoussé cette offre de dernière minute.
La rupture entre le camp Berlusconi et la faction Fini au sein du Peuple de la liberté risque de conduire l'Italie à des élections législatives anticipées, mais ce ne sera pas nécessairement le cas si le Cavaliere s'assure au parlement du soutien de petites formations centristes.
Le chef de l'Etat, Giorgio Napolitano, pourrait aussi, en cas de chute du cabinet Berlusconi, décider la mise en place d'un gouvernement de transition qui gèrerait les affaires courantes jusqu'à de nouvelles élections, comme ce fut le cas pour le cabinet Lamberto Dini en 1995.
La brouille entre les deux dirigeants a dominé pendant des mois la politique italienne, compliquant l'adoption d'un budget d'austérité de 25 milliards d'euros.
Après avoir reçu l'aval du Sénat à la mi-juillet, le budget, qui réduit les dépenses, a été définitivement adopté jeudi par la Chambre des députés, levant pour Berlusconi l'un des principaux obstacles à une rupture ouverte avec Fini.
Dans un discours mercredi devant les ambassadeurs d'Italie, Silvio Berlusconi a estimé que la coalition actuelle, qui réunit le Peuple de la liberté et la Ligue du Nord, était assez forte pour surmonter une rupture avec Fini.
Les tensions au sein du PDL ne sont pas le seul problème auquel le chef du gouvernement italien est confronté. Sa popularité est en baisse depuis plusieurs mois et trois membres du gouvernement ont dû démissionner au cours des huit dernières semaines sur des soupçons de corruption ou de trafic d'influence.
L'un des démissionnaires, Aldo Brancher, ancien cadre de l'empire médiatique Fininvest de Berlusconi, a été condamné mercredi à deux ans de prison pour détournement de fonds.
Avec James MacKenzie, Giuseppe Fonte et Eleanor Biles; Jean-Stéphane Brosse, Eric Faye et Nicole Dupont pour le service français