Offensive diplomatique contre le régime syrien après Houla

Devant l'ambassade de Syrie à Londres. Les pays occidentaux ont lancé mardi une offensive diplomatique concertée contre le régime de Bachar al Assad quatre jours après le massacre de Houla, en expulsant notamment les diplomates syriens. François Hollande - -
par Joseph Logan
BEYROUTH (Reuters) - Les pays occidentaux ont lancé mardi une offensive diplomatique concertée contre le régime de Bachar al Assad quatre jours après le massacre de Houla, le président français François Hollande n'écartant pas l'hypothèse d'une intervention militaire en Syrie à condition qu'elle soit approuvée par les Nations unies.
Pendant ce temps à Damas, Kofi Annan, émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe, a prévenu Bachar al Assad que la Syrie se trouvait à "un tournant" et que la patience de la communauté internationale avait des limites.
Il a exigé du président syrien des mesures immédiates pour mettre fin aux violences en Syrie, où le régime tente d'étouffer par la force un soulèvement en cours depuis 14 mois. Kofi Annan ne semble toutefois rien avoir obtenu de concret.
Dans un geste concerté, une dizaine de pays, dont les Etats-Unis, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, ont procédé à l'expulsion de diplomates syriens pour marquer leur réprobation après les événements survenus à Houla.
Vendredi, 108 civils, dont 49 enfants et 34 femmes, ont trouvé la mort dans cette localité de la province de Homs.
Selon des témoignages recueillis par le Haut-Commissariat de l'Onu aux Droits de l'homme (HCDH), la plupart des victimes auraient été exécutés de manière sommaire dans leurs propres maisons par des miliciens fidèles au régime, les chabbihas.
Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint de l'Onu aux opérations de maintien de la paix, a lui aussi pointé du doigt le régime et ses miliciens.
"Certaines victimes ont été tuées par des obus, ce qui indique plus clairement que jamais une responsabilité du gouvernement", a t-il déclaré à des journalistes. "Seul le gouvernement a des armes lourdes, des blindés et des obusiers."
"Mais il y a aussi des victimes d'armes légères, des victimes de coups de couteaux, et même si c'est moins clair, cela jette le soupçon sur les chabbihas, la milice locale."
ANNAN VEUT DES GESTES "MAINTENANT, PAS DEMAIN"
Le massacre de Houla, dont le régime impute la responsabilité à des "terroristes", illustre l'échec, jusqu'à présent, du plan de paix présenté par Kofi Annan, aux termes duquel un cessez-le-feu est censé être observé depuis le 12 avril. Pour certains opposants au régime syrien, ce plan de paix a eu pour seul effet d'accorder un répit supplémentaire à Bachar al Assad.
L'émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe s'est entretenu pendant deux heures mardi à Damas avec le président syrien. Il dit avoir "exprimé en termes francs la sérieuse inquiétude de la communauté internationale au sujet de la violence en Syrie, notamment des événements choquants survenus récemment à Houla".
Il a réclamé à Bachar al Assad "des initiatives courageuses maintenant, pas demain, maintenant" pour permettre la mise en oeuvre de son plan de paix.
Prié de dire si un calendrier avait été fixé pour la mise en oeuvre de mesures susceptibles de diminuer les violences, Kofi Annan a clairement fait savoir qu'"il ne s'agit pas d'un processus sans fin".
"Le moment approche où, plus tôt que tard, la communauté internationale devra examiner la façon dont évoluent les choses et quelles actions ou initiatives supplémentaires peuvent être nécessaires", a-t-il dit.
L'indignation suscitée dans le monde par les événements à Houla incite les pays hostiles à Bachar al Assad à exiger une action plus résolue de la part de la communauté internationale. Les efforts des pays occidentaux et arabes au Conseil de sécurité de l'Onu ont jusqu'à présent été bloqués par la Russie et la Chine.
Dans une interview au quotidien Le Monde, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, traite Assad d'"assassin de son peuple" et ajoute: "Il doit quitter le pouvoir."
CONVAINCRE LES RUSSES
Son homologue allemand Guido Westerwelle a appelé le Conseil de sécurité à se saisir de nouveau de la situation en Syrie.
"Le régime syrien est responsable des actes terribles de Houla. Quiconque, ici ou ailleurs, viole la résolution du Conseil de sécurité en se servant d'armes lourdes contre son propre peuple doit en assumer les conséquences diplomatiques et politiques", a-t-il souligné.
François Hollande a pour sa part déclaré qu'une action militaire "n'est pas exclue à condition qu'elle se fasse (...)par une délibération du Conseil de sécurité."
A trois jours de sa rencontre avec son homologue russe Vladimir Poutine à Paris, le président français a formulé l'espoir "de convaincre Russes et Chinois" de se joindre au reste de la communauté internationale pour condamner Damas et "trouver une solution qui ne serait pas forcément militaire".
"Car la pression elle doit se faire dès à présent pour chasser le régime de Bachar al Assad. Nous devons trouver une autre solution", a-t-il dit.
La Maison blanche a jugé qu'une action militaire n'était pas exclue mais qu'elle ne serait pas opportune à l'heure actuelle.
La Russie paraît toutefois ne pas dévier de sa position consistant à défendre au maximum les efforts entrepris par Kofi Annan malgré la tuerie à Houla.
Moscou "s'alarme de voir des pays (...) commencer à se servir de cet événement comme d'un prétexte pour mettre en avant des exigences sur la nécessité d'une action militaire dans le but d'exercer des pressions sur le Conseil de sécurité de l'Onu", a dit le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
"Nous sommes troublés par les tentatives incessantes de contrecarrer le plan de paix de Kofi Annan", a-t-il ajouté.
La crise en Syrie a fait plus de 10.000 morts depuis mars 2011.
Jean-Loup Fiévet et Bertrand Boucey pour le service français