Le Liban mobilisé pour les funérailles d'al-Hassan

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L'opposition libanaise a appelé samedi à une mobilisation massive contre la Syrie lors de l'enterrement dimanche à Beyrouth du chef des renseignements de la police Wissam al-Hassan, bête noire du régime syrien tué dans un attentat à la voiture piégée.
La mort brutale du général sunnite vendredi a provoqué un séisme politique au Liban, mais malgré les appels à sa démission, le Premier ministre Najib Mikati a choisi de rester à son poste dans "l'intérêt national" et pour éviter "le vide politique" qui pourrait plonger ce pays fragilisé dans le chaos.
>> Qui est derrière l'attentat à Beyrouth ?
La colère était vive dans les régions à majorité sunnite. A Tripoli, capitale du Liban nord, un cheikh a été tué et cinq personnes ont été blessées dans des échanges de tirs alors que des routes ont été coupées par des pneus en feu à travers le pays.
Des milliers de personnes sont attendues dans le centre de Beyrouth aux funérailles prévues dimanche vers 13H00, à la mosquée Al-Amine. Le général sera inhumé dans le mausolée de Rafic Hariri, lui-même assassiné en 2005, selon le général Achraf Rifi, chef des Forces de sécurité intérieure (FSI).
Ces deux attentats ont été attribués par l'opposition libanaise et les experts au régime syrien du président Bachar al-Assad, confronté depuis 19 mois à une révolte qu'il tente d'écraser à tout prix malgré les tentatives du médiateur Lakhdar Brahimi, en visite à Damas, d'obtenir une trêve.
Saad Hariri, fils de Rafic et qui dirige l'opposition libanaise, a appelé les Libanais a venir en masse aux obsèques, pour transformer cet enterrement en une manifestation contre le régime syrien.
Des funérailles anti-Bachar
"Chacun de vous est appelé individuellement à participer [aux obsèques] de Wissam al-Hassan qui a protégé le Liban du complot de Bachar al-Assad et d'Ali Mamlouk", le chef des renseignements syriens, a affirmé Saad Hariri à une chaîne libanaise.
La famille du général, son épouse et ses deux enfants, installés en France sont rentrés à Beyrouth samedi.
Le général Hassan, le plus haut responsable de sécurité libanais a être assassiné depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), a eu un rôle majeur dans l'enquête sur de nombreux attentats qui ont visé entre 2005 et 2008 de nombreuses personnalités libanaises antisyriennes, dont Saad Hariri.
Selon les experts, la Syrie est le suspect numéro un dans ce meurtre qui démontre que même affaibli en raison de la révolte, le pouvoir à Damas a encore les moyens d'agir chez son voisin.
>> EN IMAGES - Beyrouth : des cendres et des gravats
L'assassinat a ravivé les clivages entre partisans et opposants du régime syrien dont les troupes ont stationné pendant 30 ans au Liban.
L'opposition a appelé à la démission du gouvernement Mikati, où le Hezbollah chiite, un allié de Bachar al-Assad, joue un rôle prédominant.
"J'ai assuré au président que je n'étais pas attaché au poste de chef de gouvernement. [Il] m'a demandé de rester car il ne s'agit pas d'une question personnelle mais de l'intérêt national", a dit Najib Mikati après une réunion du conseil des ministres.
Il a fait le lien entre la mort du général et l'arrestation en août par les services de ce dernier de l'ex-ministre pro-syrien Michel Samaha, accusé d'avoir introduit des explosifs pour mener des attentats au Liban à l'instigation d'Ali Mamlouk.
Prenant le contre-pied de l'opposition, la France a apporté son appui à Najib Mikati, le président François Hollande estimant qu'"il importe qu'il n'y ait pas de vide politique".
60 à 70 kg de TNT
L'attentat à la voiture piégée dans une ruelle du quartier d'Achrafieh a tué fait huit morts au total et 86 blessés selon une source gouvernementale, mais la Croix-Rouge a indiqué que ce bilan pourrait être revu à la baisse.
Selon le général Rifi, "la charge explosive était de 60 à 70 de TNT".
Plus d'une dizaine d'enquêteurs des FSI étaient à la recherche d'indices sur le lieu de l'attentat, quadrillé par la police. Les carcasses de voitures calcinées étaient encore sur place au milieu des immeubles effondrés.
"Ils nous interdisent de revenir chez nous car selon eux il y a encore des restes humains", affirme Nancy al-Mini, une mère de 33 ans. "Qu'ils aillent au diable, ceux qui en veulent au Liban", lance-t-elle avec colère.
"J'ai vécu la guerre mais je n'ai jamais vu une chose pareille, tellement l'explosion était puissante", affirme Antoine Madkour, 95 ans.
La presse craint le pire
Pour la presse libanaise, le pays doit s'attendre au "pire" après l'attentat, le premier du genre au Liban depuis 2008.
L'assassinat a "transporté le Liban d'une rive à une autre, avec tous les dangers qui guettent la stabilité et la sécurité", affirme An-Nahar. "La paix civile en danger", titre as-Safir.
Mais plusieurs analystes ont écarté le risque que le Liban sombre de nouveau dans le chaos.
En Syrie voisine, Lakhdar Brahimi, qui a mis en garde contre un possible débordement régional du conflit armé en Syrie, a rencontré le chef de la diplomatie Walid Mouallem pour tenter de faire accepter sa proposition de trêve pour la fête musulmane de l'Adha, du 26 au 28 octobre.
Damas veut un dialogue national loin de toute ingérence pour sortir de la crise, alors que les combats continuent de faire rage à travers la Syrie entre rebelles et soldats fauchant la vie de dizaines de personnes, selon une ONG.