La ville américaine de Detroit se déclare en faillite

Maison abandonnée dans un quartier autrefois prospère de Detroit. - -
La ville de Detroit, berceau de l'industrie automobile américaine, a engagé jeudi les démarches pour être considérée en état de faillite - la plus importante banqueroute d'une ville dans l'histoire des Etats-Unis. La faillite, si elle est approuvée par la justice fédérale, contraindra les milliers de créanciers de Detroit à négocier avec le gestionnaire financier ad hoc nommé en mars par le gouverneur du Michigan Rick Snyder, Kevyn Orr. Selon Philippe Gassot, le correspondant de RMC aux Etats-Unis, avec cette annonce, « une certaine espérance a surgi chez un partie des habitants qui voient dans cette épreuve l'occasion de tout mettre à plat, de balayer le passé pour repartir sur des bases saines dans cette ville aux quartiers laissés à l'abandon ou aux trafics de drogue ».
14 milliards d'euros de dette, pas de sauvetage de l'état fédéral
La dette de la plus grande ville du Michigan est estimée à 18,5 milliards de dollars (14 milliards d'euros). C'est Kevyn Orr qui a suggéré le dépôt de bilan et le gouverneur Snyder a estimé qu'il n'y avait pas d'autre solution. Avant Detroit, de grandes villes comme New York, Cleveland et Philadelphie se sont retrouvées au bord de la faillite, mais Detroit est la première ville américaine à demander officiellement la protection de la loi sur les faillites. Le président américain Barack Obama a fait dire par un porte-parole de la Maison blanche qu'il suivait la situation de près. Mais, à la différence de ce qu'il s'est passé avec la grande crise de 2008, lors de laquelle l'Etat fédéral avait décidé de renflouer les constructeurs General Motors et Chrysler à coups de milliards de dollars, le président n'a pas fait de promesse cette fois.
Un tiers des habitants dans la pauvreté
Detroit était naguère synonyme de savoir-faire industriel. Les géants de la construction automobile s'étaient mis, de 1941 à 1945, à produire chars, avions et munitions, ce qui avait valu à la ville le surnom d'"arsenal de la démocratie". Detroit est aujourd'hui synonyme de déclin, de ruine, de criminalité. La ville a vu fondre sa population progressivement, passant de 1,8 million d'habitants en 1950 à 700 000 aujourd'hui. Sur les dix dernières années, la ville a perdu 25% de ses habitants. Désormais, un tiers des habitants vivent dans la pauvreté et 20% environ sont au chômage. La perte des emplois industriels, l'exode des habitants blancs vers les banlieues, qui s'est accéléré après les émeutes raciales des années 60, ont laissé la ville anéantie. Aujourd'hui, Detroit compte plus de deux retraités pour un actif. Avec un quart des immeubles abandonnés dans certains quartiers, aucune autre ville américaine n'a porté plus lourdement le fardeau de la désindustrialisation.
La gangrène de la corruption
La municipalité a été ébranlée par des affaires de corruption au fil des années. Kwame Kilpatrick, ancien maire de Detroit et ex-étoile montante du Parti démocrate, est en prison après avoir été condamné pour plusieurs faits de corruption, et notamment de truquage des appels d'offres, alors qu'il était en fonction. Le manque de financement pour l'éclairage public et les services d'urgence, malgré des impôts élevés, a entraîné une hausse de l'insécurité dans les rues de la ville. Le taux de meurtres est à son plus haut niveau en près de 40 ans ; seul un tiers du parc ambulancier était en service au premier trimestre 2013; et les quelque 78 000 bâtiments abandonnés de la ville créent "des problèmes de sécurité publique supplémentaires et réduisent la qualité de vie dans la ville", note le gouverneur du Michigan dans sa lettre. « Il est clair que la situation financière exceptionnelle de Detroit ne peut être résolue en dehors du régime de faillite, et c'est la seule option raisonnable possible », a estimé le gouverneur de l'Etat de Michigan, le républicain Rick Snyder, dans une lettre accompagnant les documents remis par la municipalité à un tribunal fédéral pour que la ville soit reconnue en faillite.