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L’émotion des familles, les témoignages des épouses

les épouses des soldats morts en Afghanistan et celles des officiers restés à Kaboul témoignent

les épouses des soldats morts en Afghanistan et celles des officiers restés à Kaboul témoignent - -

Les épouses de soldats français présents en Afghanistan ont eu des nouvelles de leurs maris depuis le drame de mardi. Témoignages.

Cérémonie religieuse et militaire hier aux Invalides, à Paris. Les 10 victimes, membres du 8e RPIMA de Castres, du 2e REP de Calvi et du 2e RMT de Noyon, ont été décorées de la légion d'honneur à titre posthume par Nicolas Sarkozy. Le chef de l'Etat s'est ensuite entretenu à huis clos avec les familles des victimes.

Madeleine, la mère du Caporal Anthony Riviere, membre du 8e RPIMA et tué lundi en Afghanistan, a vécu très douloureusement cette cérémonie : « Je suis vraiment meurtrie par ce qui m'arrive, ce qui arrive à mon fils, et en même temps il a eu de la bravoure, il est mort avec honneur. C'est ça que j'admire le plus. C'était un brave garçon, cette cérémonie c'était un cadeau pour lui, il a été bien encadré par tout le monde, même nous. Je remercie tous les militaires, tous les gens qui nous ont bien aidé et je tiens à dire que je suis très fière de mon fils et de ce qu'il a fait ».

Joris, lui, a perdu son meilleur ami : le Caporal Julien Le Pahun, membre du 8e RPIMA et tué lui aussi dans la vallée d'Ouzbine en Afghanistan. Il l'avait joint plusieurs fois par téléphone. Julien s'était engagé dans l'armée après avoir arrêté ses études et, pour Joris, il n'était pas préparé à vivre de pareils combats : « Une fois qu'il était là il était fier, il voulait continuer. Mais c'est après quand on lui a dit qu'il allait partir en Afghanistan, ce n'était plus du tout l'envie de continuer, il voulait arrêter. Il s'est rendu compte des risques un peu tard. Ca faisait un an qu'il était dans l'armée. Un an et on l'envoie en Afghanistan. C'est quoi ça ? Il m'avait dit avant de partir : « Tu sais Joris, je sais qu'on ne va pas tous revenir ». Au début je n'ai pas vraiment pris ça au sérieux. C'est dans ces moments là qu'on se rend compte que c'est la dure réalité ».

« Les épouses ont été un déversoir des émotions de leurs maris »

Aprés cette cérémonie, comment, sur place, les militaires Français ont-ils vécu ces dernières heures, dans quel état d'esprit sont-ils ? Christophe Bordet a contacté pour RMC Pascale Aragones, l'épouse du Colonnel Jacques Aragones qui commande les troupes du 8 ieme RPIMA en Afghanistan. Elle a pu parler quelques minutes avec son époux au téléphone depuis le drame de mardi et il a pu lui dire comment il avait vécu la perte de ces hommes qui n'étaient pas dans la même zone géographique que lui au moment de l'embuscade meurtrière des Talibans : « Il a l'impression d'avoir perdu des enfants. Il était très ému, il les a accompagnés au plus loin qu'il a pu physiquement parce que, du fait de cette organisation il n'a pas pu se rendre à Kaboul pour la levée de corps puisqu'il doit tenir ses fonctions sur la région Est. Il a été près d'eux, il les a mis dans un linceul, il leur a dit au revoir et il les a laissés pour repartir en France ».

« Je lui ai fait savoir que les épouses avaient été un déversoir des émotions de leurs maris. Dans le même temps mon mari m'a dit que justement, après avoir pu se confier et libérer leurs émotions, ils avaient pu se recentrer. Ils ont vu la retransmission de la cérémonie militaire aux Invalides et ça les a soulagés. Je pense que ça y est, ils se sont déjà ressaisis. Ils ont mis un genou à terre mais ils sont à nouveau debout ».

Jeanne, l'épouse d'un sergent du 8 ieme RPIMA de Castres actuellement en Afganistan, a également pu parler au téléphone avec son époux. Depuis le drame, elle éprouve « de la peur, et mon mari aussi je crois parce que lorsque je l'appelle ou que lui m'appelle, il me dit que là où il est, il n'est pas bien. Il sait qu'à tout moment il peut lui arriver quelque chose. Vu qu'il y a eu 10 morts, je crois que pour remonter la pente ça va être très dur. Déjà, là, il a le moral à zéro, et il n'y a pas que lui. Il y a les autres soldats qui sont très très touchés aussi, ils ont tous les moral à zéro ».

« Parfois, je suis en colère. Je ne sais pas ce que fait mon mari là-bas, et comme lorsque je l'ai au téléphone il ne me dit pas non plus la mission qu'il fait... Même quand il me dit qu'il part en patrouille, des fois le téléphone coupe. Surtout qu'il n'a pas le droit de me le dire, donc des fois je suis un peu colère parce que j'ai envie de savoir ce qu'il fait là-bas. Ce qu'ils font, c'est quand même risqué ».

La rédaction avec Christophe Bordet et Fabien Crombé