L'austérité en débat après les émeutes en Angleterre

Le Premier ministre britannique David Cameron risque de voir son programme d'austérité, en particulier ses projets de coupes budgétaires dans la police, concentrer les craintes pour l'avenir des Britanniques après les pires émeutes en Angleterre depuis pl - -
par Peter Griffiths
LONDRES (Reuters) - Le Premier ministre britannique David Cameron risque de voir son programme d'austérité, en particulier ses projets de coupes budgétaires dans la police, concentrer les craintes pour l'avenir des Britanniques après les pires émeutes en Angleterre depuis plus de vingt ans.
Devant le Parlement réuni en séance extraordinaire, le dirigeant conservateur a adopté une ligne dure jeudi, promettant de traquer et punir une "minorité sans foi ni loi" et critiquant la réponse initiale des forces de l'ordre.
David Cameron est resté sourd aux appels, certains émanant de son propre camp, à reconsidérer des projets de réduction du budget de la police.
Les responsables communautaires, tout comme certains commentateurs, estiment qu'il est impossible d'ignorer la pauvreté, le chômage et un sentiment aigu d'exclusion parmi les jeunes, et que la baisse draconienne des dépenses publiques décidée par le gouvernement conservateur-libéral arrivé au pouvoir en mai 2010 frappe avant tout les plus défavorisés.
Ed Miliband, le chef de file du Parti travailliste, a pris soin de ne pas établir un lien direct entre les violences des derniers jours et les coupes budgétaires, mais il a déclaré à la BBC que celles-ci étaient "très mauvaises pour la société".
Le Labour a toujours dit que les mesures d'austérité prônées par le gouvernement étaient trop importantes et trop rapides et risquaient d'étouffer toute reprise économique.
Les commandants de la police ont rejeté les critiques du chef du gouvernement, estimant avoir dû faire face à une situation sans précédent et à des circonstances uniques, selon Hugh Orde, président de l'Association of Chief Police Officers.
Ce dernier a souhaité "une discussion honnête" avec le gouvernement sur les projets d'austérité budgétaire. "Ce sont les baisses de 20% dans l'actuelle période de dépenses qui conduiront à une baisse des effectifs, a-t-il déclaré.
Devant le Parlement, Cameron a imputé la responsabilité des émeutes à une minorité de délinquants opportunistes et déploré un échec moral profond qui ne se règle pas "grâce à un mur d'argent.
UN EXEMPLE POUR L'EUROPE?
A leur arrivée au pouvoir après treize années de règne travailliste, les conservateurs et leurs alliés libéraux démocrates ont promis de combler un trou budgétaire représentant plus de 10% du produit intérieur brut, conséquence notamment de la crise financière de 2008 et du sauvetage des banques.
Le ministre des Finances George Osborne a estimé jeudi que les mesures de réduction du déficit prises par son gouvernement étaient un exemple pour le reste de l'Europe, mais beaucoup de Britanniques redoutent les pertes d'emplois ainsi que la réduction des aides sociales et des services publics.
"Les événements de ces derniers jours nous rappellent de manière brutale que la police dans nos rues rend nos communautés plus sûres et permet au public de se sentir davantage en sécurité", a déclaré Ed Miliband à la Chambre des communes.
L'opinion britannique a été profondément choquée par les scènes de violences diffusées en boucle par les chaînes de télévision, en particulier les images d'un jeune étudiant malaisien blessé et dépouillé par des jeunes gens censés lui venir en aide, ou celle d'une femme polonaise photographiée en train de se jeter d'un immeuble en flammes.
Les violences ont débuté samedi soir dernier dans le quartier pauvre de Tottenham, dans le nord de Londres, à la suite de la mort d'un Antillais de 29 ans abattu par la police. Celle-ci a refusé de donner à ses proches des informations sur l'incident. Un modeste rassemblement de protestation s'est transformé en émeutes.
Mais des tensions sociales parcourent la Grande-Bretagne depuis plusieurs mois. L'économie peine à sortir de 18 mois de récession, un jeune sur cinq n'a pas de travail et l'inflation réduit le pouvoir d'achat, en particulier pour les plus modestes.
Des pilleurs ont justifié leurs actes en disant s'attaquer au "système" et en citant l'exemple du récent scandale des notes de frais indûment perçues par les parlementaires, ou des énormes bonus encaissés par les traders.
L'éthique de la police londonienne a quant à elle été entachée par la démission de la direction de Scotland Yard à la suite d'un autre scandale, celui des écoutes illégales conduites par les tabloïds du groupe de Rupert Murdoch, également soupçonnés de corruption.
Jean-Stéphane Brosse pour le service français