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Menaces de Trump, guerre en Ukraine... L'UE se réunit en urgence sur la défense

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Les dirigeants de l'UE se réunissent avec l'Otan et le Royaume-Uni pour discuter défense européenne, alors que le nouveau président américain presse ses alliés d'augmenter leurs dépenses militaires.

Les dirigeants des pays membres de l'UE, du Royaume-Uni et le secrétaire général de l'Otan se réunissent ce lundi 3 février à Bruxelles pour une rencontre exceptionnelle consacrée à la défense européenne.

Cette réunion entre les chefs d'État et de gouvernement des 27, le patron de l'Otan Mark Rutte et le Premier ministre britannique Keir Starmer intervient deux semaines après l'entrée en fonctions de Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier. L'attitude de l'administration américaine sur le soutien occidental à l'Ukraine dans sa guerre face à la Russie préoccupe fortement les Européens et l'Otan.

"Ce qui se passe en Ukraine et avec les déclarations américaines de la nouvelle administration Trump pousse les Européens à être plus unis et plus actifs pour répondre à leur sujet de sécurité collective", a résumé le président français Emmanuel Macron en arrivant à Bruxelles ce lundi matin.

"Endosser une plus grande responsabilité"

"Je pense que nous partageons la même évaluation des menaces auxquelles l'Europe est confrontée", avait écrit en janvier le président du Conseil européen Antonio Costa dans sa lettre d'invitation aux dirigeants, évoquant la guerre en Ukraine, mais aussi la situation au Moyen-Orient.

D'après le dirigeant européen, qui succède à Charles Michel à la tête de l'instance, la discussion sera centrée autour de "deux grands principes". "D'abord, l'Europe doit endosser une plus grande responsabilité pour sa propre défense", estime-t-il dans sa missive. "Elle doit devenir plus résiliente, plus efficace, plus autonome", énumère l'ancien Premier ministre portugais.

"Ce faisant, elle deviendra un partenaire transatlantique plus fort, y compris dans le cadre de l'Otan", affirme-t-il.

Et pour cause: le futur président américain Donald Trump exhorte régulièrement les Européens à payer beaucoup plus s'ils veulent continuer à bénéficier de la protection américaine. "Nous avons quelque chose qui s'appelle un océan entre nous, n'est-ce-pas? Pourquoi payons-nous des milliards et des milliards de dollars de plus que l'Europe?", avait-il lancé début janvier.

Le président américain réélu en novembre a exigé que les pays européens doublent au minimum leurs dépenses militaires, en y consacrant au moins 5% de leur Produit intérieur brut, un objectif très supérieur aux niveaux actuels et jugé peu réaliste à Bruxelles.

Vers un grand emprunt européen?

Si le consensus sur la nécessité d'augmenter les dépenses de défense est là, la façon d'y parvenir reste l'objet d'âpres débats. "La question n'est pas faut-il le faire mais comment faire?", résume un responsable européen à l'Agence France-presse.

Bruxelles estime que le bloc devra investir 500 milliards d'euros en plus dans la défense sur la décennie à venir. Comment financer ces besoins? Nombre de pays plaident pour un grand emprunt européen. Mais l'Allemagne, qui se prépare à des législatives le 23 février, ne veut pas ouvrir le débat sur ce sujet politiquement sensible.

"Si nous n'abordons pas frontalement la question du financement, le risque est que cette rencontre de Bruxelles ne soit qu'un exercice de pure forme", s'inquiète un diplomate européen auprès de l'agence de presse.

Dix-neuf pays de l'UE, dont la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, ont appelé la Banque européenne d'investissement (BEI) à financer davantage le réarmement face à la Russie.

Le monde qui bouge - L'Interview : La défense européenne face à Donald Trump - 03/02
Le monde qui bouge - L'Interview : La défense européenne face à Donald Trump - 03/02
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Le Royaume-Uni en invité spécial

Sur les achats d'armes, la France - accusée par certains de ses partenaires de se préoccuper d'abord de son industrie nationale - insiste sur l'origine européenne de la production. Avant la réunion, Emmanuel Macron a poussé pour "aller plus loin sur l’industrie de défense" et "assumer une préférence européenne" dans les achats de matériel et d'armements.

D'autres pays jugent qu'au moment où l'industrie européenne peine à soutenir la cadence, les critères ne devraient pas être trop stricts. Et acheter des armes aux États-Unis pourrait être un moyen de garder des relations au moins correctes avec Trump, arguent-ils.

Face aux turbulences annoncées dans les relations transatlantiques, certains sont tentés de resserrer les liens avec un ancien membre de l'UE: le Royaume-Uni. Cinq ans après le Brexit, un Premier ministre britannique fera son retour lundi dans le cercle des dirigeants européens, une première depuis que Londres a pris ses distances avec Bruxelles.

Depuis son arrivée au pouvoir en juillet, le travailliste Keir Starmer affiche sa volonté de relancer les relations avec l'UE et l'hypothèse d'un accord de sécurité est évoquée.

"L'Europe doit redoubler d'efforts pour écraser la machine de guerre de Poutine, alors que l'économie russe montre des signes d'affaiblissement", a prévu de dire Keir Starmer devant le Conseil européen, selon un communiqué de Downing Street.

Les tensions héritées du Brexit subsistent toutefois et les points de friction n'ont pas complètement disparu. Au-delà des appels au "reset" (nouveau départ), nombre de diplomates européens jugent qu'il ne pourra y avoir de progrès tangibles avec Londres en l'absence d'accord en particulier sur l'épineux dossier des droits de pêche.

Au-delà de la question de défense, les États membres devraient évoquer les menaces, tous azimuts, de Donald Trump envers ses alliés européens. La Première ministre danoise Mette Frederiksen - qui vient d'effectuer une tournée de plusieurs capitales européennes - espère un message commun face aux visées du milliardaire républicain sur le Groenland, un territoire dépendant de son pays.

Le spectre d'une guerre commerciale planera aussi sur la rencontre de Bruxelles. Donald Trump, qui vient d'infliger 25% de taxes sur les produits canadiens et mexicains, et 10% sur les produits chinois, répète que le tour de l'Europe viendra.

François Blanchard avec AFP