La Grèce sous pression après l'annonce du référendum

Le parlement grec à Athènes. La France et l'Allemagne ont fait pression mardi sur le Premier ministre grec George Papandréou afin d'obtenir une application rapide de l'accord du 26 octobre sur l'euro et la dette grecque, qu'il veut soumettre à référendum. - -
PARIS/ATHÈNES (Reuters) - La France et l'Allemagne ont fait pression mardi sur le Premier ministre grec George Papandréou afin d'obtenir une application rapide de l'accord du 26 octobre sur l'euro et la dette grecque, qu'il veut soumettre à référendum.
Au lendemain de l'annonce-surprise du chef du gouvernement grec, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont répliqué en rejetant implicitement l'idée de cette consultation.
Les deux dirigeants se retrouveront mercredi à Cannes, au sommet du G20, pour une réunion avec les institutions européennes, le Fonds monétaire international (FMI) et George Papandreou, invité de dernière minute.
Il s'agira de "prendre toutes les mesures nécessaires pour la mise en oeuvre dans les meilleurs délais de l'accord conclu le 27 octobre à Bruxelles", préviennent Paris et Berlin dans un communiqué commun après un entretien téléphonique.
Moyennant un contrôle des finances grecques et des mesures d'austérité, les dirigeants de la zone euro ont accepté jeudi dernier de prêter 130 milliards d'euros à la Grèce et obtenu des créanciers privés qu'ils effacent 50% des quelque 210 milliards d'euros de titres grecs qu'ils détiennent.
Cet accord, qui prévoit aussi un renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF), avait dans un premier temps rassuré les marchés financiers, qui espéraient la fin d'une crise de la dette susceptible aussi de frapper désormais l'Italie, troisième économie de la zone euro.
Mais mardi, l'annonce grecque faisait replonger les marchés européens et américains en général et les valeurs bancaires en particulier.
Dans leur communiqué, la France et l'Allemagne appellent de leurs voeux "une feuille de route pour assurer l'application de l'accord" de Bruxelles.
Le président français devait réunir à 17h00 (16h00 GMT) au Palais de l'Elysée ses principaux ministres concernés et le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer.
Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande ont été les principaux artisans du nouveau plan laborieusement scellé jeudi dernier à Bruxelles.
Aucune déclaration officielle de l'exécutif français n'a suivi l'annonce d'un référendum grec, mais plusieurs membres de la majorité ont exprimé de vives critiques, l'ancien ministre UMP Christian Estrosi parlant ainsi de décision "irresponsable".
RISQUE ÉLEVÉ
Le risque d'un rejet lié à un éventuel référendum est élevé puisque selon un sondage publié samedi par le journal To Vima, près de 60% des Grecs dénoncent l'accord de Bruxelles, dans lequel ils voient une atteinte à la souveraineté de leur pays.
En cas de rejet de l'accord lors du référendum, le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker n'a pas exclu une faillite de la Grèce.
"Je ne peux pas exclure (une faillite de la Grèce en cas de "non" au référendum) mais cela dépendra de la manière dont la question sera exactement formulée et sur quoi exactement les Grecs vont voter."
"Le Premier ministre grec a pris sa décision sans en informer ses collègues européens", a-t-il dit.
"Ces derniers mois, il y avait fait allusion et avait dit clairement qu'il pourrait devoir organiser un référendum avant d'abandonner l'idée une nouvelle fois. Maintenant, il la ressort et l'initiative qu'il a prise soulève une avalanche de questions", a poursuivi Juncker.
"Pouvons-nous dans ces conditions débloquer la sixième tranche, les huit milliards d'euros, comme nous l'avions décidé il y a deux semaines alors que nous ne savons pas si les Grecs sont toujours d'accord avec ce qui a été accepté?", a-t-il demandé.
"Qu'en est-il du plan que nous avons mis en place mercredi et jeudi derniers? Quelle question précise le Premier ministre souhaite poser? Nous n'avons pas de réponses à ces questions et il est donc encore trop tôt pour donner une évaluation complète de la situation."
L'agence de notation Fitch a estimé que le projet de référendum grec menaçait "dramatiquement" la stabilité financière de la zone euro.
La Maison Blanche a elle estimé que l'initiative de Papandréou démontrait la nécessité pour les Européens de mettre en oeuvre rapidement les mesures convenues la semaine dernière. Elle a jugé également que les responsables européens avaient toute capacité de juguler la crise.
DÉMISSIONS AU SEIN DU PASOK
Au lendemain de l'annonce de Papandréou, un vent de fronde a soufflé au sein du Parti socialiste (Pasok) au pouvoir, dont dix membres ont présenté leur démission. "Le pays a besoin immédiatement d'un gouvernement politiquement légitime et d'un projet de renouveau national", écrivent six d'entre eux dans une lettre conjointe.
Un peu plus tôt, la députée socialiste Milena Apostolaki avait démissionné, réduisant à 152 le nombre de sièges du Pasok au parlement qui en compte 300. Deux de ses collègues se sont en outre prononcés pour des élections anticipées et la formation d'un gouvernement d'union nationale, selon la presse.
Selon un membre du gouvernement grec, Papandréou n'a pas informé son ministre des Finances Evangelos Venizelos qu'il allait annoncer la tenue d'un référendum. "Venizelos n'avait aucune idée du référendum. Tout ce dont il était au courant c'était du vote de confiance", a dit ce responsable.
"Ils doivent être fous (...) Ce n'est pas une façon de diriger un pays", a réagi un haut responsable d'une des plus grandes entreprises grecques, qui a requis l'anonymat.
L'Irlande, également sous perfusion de l'aide financière du Fonds monétaire international et de l'Union européenne, a dénoncé l'initiative du Premier ministre grec.
"Le sommet de la semaine dernière devait régler l'incertitude dans la zone euro (...) et cette grenade est lancée juste quelques jours après", a déclaré la ministre irlandaise aux Affaires européennes Lucinda Creighton.
"Il va y avoir beaucoup de contrariété et cette contrariété sera légitime", a-t-elle dit à Reuters.
Dina Kyriakidou et Harry Papachristou à Athènes, Thierry Lévêque et Marine Pennetier pour le service française, édité par Wilfrid Exbrayat