Militante ETA détenue: l'Espagne condamnée

La Cour européenne des droits de l'Homme, à Strasbourg - -
C'est un arrêt qui pourrait obliger Madrid à libérer des dizaines de membres d'ETA. Lundi, la Cour européenne des droits de l'Homme a demandé à l'Espagne de libérer au plus vite une militante d'ETA. La militante a été maintenue trop longtemps en détention, selon la CEDH.
Les juges de Strasbourg ont demandé la libération "dans les plus brefs délais" d'Ines Del Rio Prada, 55 ans, condamnée entre 1988 et 2000 pour son implication dans des attentats terroristes commis dans les années 1980.
3.000 ans de prison
Le total des peines qui lui avaient été infligées était de plus de 3.000 ans, mais la durée avait été ramenée à 30 ans. Par le jeu classique des remises de peine, Ines Del Rio Prada aurait ainsi pu sortir de prison dès 2008, mais les autorités espagnoles lui ont appliqué une nouvelle jurisprudence moins favorable en la matière, dite doctrine Parot.
C'est le caractère rétroactif de cette mesure qui a été une nouvelle fois condamné par la Cour, dans cet arrêt confirmant un premier déjà rendu en juillet 2012, mais définitif cette fois.
"La Cour estime que la requérante ne pouvait ni prévoir que le Tribunal suprême opérerait un revirement de jurisprudence en février 2006 ni que ce revirement de jurisprudence lui serait appliqué et entraînerait un report de près de neuf ans de sa date de remise en liberté", de 2008 à 2017, ont estimé les juges de Strasbourg.
"La requérante a donc purgé une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à celle qu'elle aurait dû subir selon le système juridique espagnol en vigueur lors de sa condamnation", a jugé la Cour, demandant à l'Espagne de libérer Ines Del Rio Prada "dans les plus brefs délais". Les autorités espagnoles devront par ailleurs verser 30.000 euros pour dommage moral à la requérante.
"70 prisonniers de l'ETA seraient concernés"
Au-delà du cas d'Ines Del Rio Prada, ce sont les conséquences en cascade de la remise en cause de la doctrine Parot qui font l'objet d'une vive inquiétude en Espagne.
Cette doctrine prévoit que les remises de peine doivent s'appliquer sur chacune des peines prononcées et non plus sur la durée maximale de prison effective de 30 ans prévue par la loi, ce qui allonge de fait le temps passé derrière les barreaux en cas de condamnations multiples
"On ne peut pas préjuger de ce que sera la réaction des juges", mais cela affecterait notamment "54 membres de l'ETA" et "14 prisonniers de droit commun", dont des criminels multirécidivistes, a souligné Francisco Sanz Gandasegui, un des représentants de l'Espagne citant le cas d'un homme condamné pour plus de 50 viols.
"70 prisonniers de l'ETA seraient concernés par la doctrine Parot et plusieurs procédures sont en cours", a indiqué récemment Me Maritxu Paulus Pasurco, avocate de militants basques à Saint-Jean-de-Luz (pays basque français).