Belgique: l'Église au cœur d'un scandale autour d'enfants arrachés à leur mère en vue d'être adoptés

Jusqu'à 30.000 enfants auraient ainsi été retirés à leur mère en Belgique, entre 1945 et les années 1980 (Photo d'illustration) - Rodrigo BUENDIA / AFP
Le scandale avait déjà fait les gros titres en Belgique entre 2014 et 2015. Il était alors question de milliers d'adoptions forcées pendant les décennies de l'après-guerre. Le débat a été relancé par le média flamand Het Laatste Nieuws (HLN), qui a publié cette semaine de nouveaux témoignages de femmes contraintes d'abandonner leur bébé à la naissance, et d'anciens enfants adoptés, parfois toujours à la recherche de leurs origines, affirmant avoir été "vendus" par l'Église à leur famille d'adoption.
Jeudi 14 décembre, jour de la publication de l'article de HLN, le sujet s'est invité à la Chambre. Une députée flamande, Yngvild Ingels, a raconté la voix étranglée par l'émotion son expérience d'enfant "née sans filiation connue", en 1979, dans un couvent du nord de la France.
"Stérilisations forcées" et enfants "vendus"
D'après le média, jusqu'à 30.000 enfants auraient ainsi été retirés à leur mère en Belgique, entre 1945 et les années 1980. La pratique concernait la plupart du temps des jeunes femmes non mariées, parfois victimes de viol ou d'inceste, dont les parents voulaient cacher la grossesse. Ces derniers se mettaient en contact avec des ordres religieux eux-mêmes en lien avec des familles en attente d'adoption.
Dans l'un des témoignages recueillis par HLN, une sexagénaire raconte qu'en 1982, alors qu'elle était enceinte à l'âge de 23 ans, des religieuses pour lesquelles elle travaillait l'ont elles-mêmes emmenée à l'hôpital pour l'accouchement.
Ce jour-là, au moment de donner naissance à son bébé, elle a aussi subi sous anesthésie "une stérilisation forcée". Et n'a jamais pu voir sa petite fille, "vendue" à d'autres parents pour plusieurs dizaines de milliers de francs belges (plusieurs centaines d'euros, NDLR).
L'Église demande "une enquête"
Le scandale est tel qu'il a poussé l'Église catholique à présenter ses excuses. "On veut répéter les excuses présentées en 2015 et qu'enfin soit mise en œuvre une enquête externe pour déterminer les responsabilités réelles", a déclaré vendredi 15 décembre à l'Agence France-Presse le porte-parole de la conférence épiscopale, Tommy Scholtès. Quant au chiffre avancé par HLN, le porte-parole l'assure: "nous n'en savons rien".
"Parler d'enfants achetés, nous n'acceptons pas l'expression", a-t-il par ailleurs contesté. "Les familles en attente d'adoption remerciaient les religieuses quand elles recevaient l'enfant (...), elles contribuaient financièrement au fonctionnement des communautés religieuses".
Quand le sujet a fait la une pour la première fois, il y a quelques années, les évêques avaient déjà exprimé à l'époque leur souhait qu'une enquête soit menée par les services de l'enfance en Flandre, selon les dires de Tommy Scholtès, mais que "la demande est restée lettre morte".