Royaume-Uni: des chercheurs vont donner de l'argent à des sans-abris pour voir si cela réduit la pauvreté

Un agent de sécurité parle à un sans-abri devant la gare de Waterloo à Londres, le 15 avril 2024. - HENRY NICHOLLS / AFP
Donner de l'argent à des personnes sans-abris permet-il de réduire la pauvreté? La réponse semble évidente. Pourtant, c'est bien l'expérience que s'apprêtent à conduire des chercheurs britanniques, qui vont directement financer les besoins de plusieurs centaines de personnes en extrême pauvreté, rapporte le quotidien The Guardian ce dimanche 24 novembre.
Au-delà de l'étonnement qu'elle peut provoquer, la démarche menée par des scientifiques du prestigieux King's College de Londres, en partenariat avec le gouvernement, a un objectif très sérieux: savoir si le fait de donner directement de l'argent aux personnes est plus efficace pour les aider à sortir de la pauvreté que les traditionnels financements d'organismes et d'associations qui aident ces personnes.
360 personnes sélectionnées
Depuis plusieurs années, les chercheurs sur le thème de la pauvreté et les militants expliquent que le versement direct d'argent à des personnes en situation de grande nécessité est plus efficace que la mise en place de structures d'aides. Conséquence: les pouvoirs publics pourraient selon eux économiser de l'argent en agissant de la sorte, tout en assurant des meilleures chances de sortie de la pauvreté.
En tout, ce sont 360 personnes qui vont être sélectionnées pour participer à cette étude. Une moitié sera considérée comme un groupe de base et ne recevra pas d'argent, elle aura seulement accès au soutien d'associations caritatives.
L'autre moitié pourra également avoir accès à ces associations, mais elle bénéficiera également d'entretiens avec des travailleurs sociaux qui, après avoir écouté les besoins des personnes sans-abris, paieront pour ces besoins, qu'il s'agisse de logement, de nourriture, de vêtements, des meubles, d'équipements électroménagers, d'objets nécessaires pour travailler ou encore de paiements visant à rembourser du surendettement. L'argent ne sera pas directement donné à ces personnes pour éviter que leurs revenus ne deviennent trop importants pour bénéficier d'aides sociales.
Une efficacité déjà démontrée
Des expériences de ce type ont déjà été menées dans d'autres pays: l'une des premières a eu lieu à Mexico en 1997 et sert depuis de référence aux études sur la pauvreté. Mais les autres études similaires qui ont suivi ont principalement été menées dans des pays considérés comme pauvres ou émergents.
En 2023, des scientifiques ont mené une étude de ce type au Canada et ont constaté qu'il était plus efficace de donner 7.500 dollars canadiens (environ 5.150 euros) à 50 sans-abris de Vancouver que financer leur logement dans des refuges. Conséquence directe: cela a permis d'économiser environ 777 dollars canadiens (environ 530 euros) par personne.
En 2012, ce type de distribution d'argent avait été étudié au Royaume-Uni mais sur une cohorte de seulement 12 personnes. L'expérience qui va bientôt commencer au Royaume-Uni s'apprête donc à devenir l'une des premières de grande échelle à être réalisées dans le pays.
"Ce que nous essayons de comprendre, ce sont les limites des transferts d'argent liquide. Quand cela fonctionne-t-il? Pour qui cela fonctionne-t-il? Quels sont les montants qu'il faut donner aux gens pour que cela fonctionne?", explique auprès du Guardian le professeur Michael Sanders, qui dirige l'unité de recherche au King's College.
Les résultats de cette étude pourraient donc permettre de préciser l'efficacité du versement d'aides aux sans-abris. Le Guardian remarque toutefois que ce type de procédé provoque souvent une certaine hostilité des personnalités politiques et même du public, selon des enquêtes d'opinions. La possibilité d'une rémunération sans travail y est souvent incomprise.