Chypre: le pirate du vol Egyptair n'a pas détourné l'avion par amour

Seif al-Din Mohamed Mostafa, au centre, porte un t-shirt "Sissi assassin". - George Michael - AFP
Son histoire avait inquiété puis étonné le monde entier. En mars dernier, Seif al-Din Mohamed Mostafa détourne un avion de la compagnie Egyptair qui relie Alexandrie et le Caire. L'homme, qui porte une fausse ceinture d'explosifs, demande au pilote de rejoindre l'Italie, mais faute de carburant, fait escale à Chypre où la police met fin au détournement.
Rapidement, la presse du monde entier explique que Seif al-Din Mohamed Mostafa a détourné cet avion "par amour" pour son ex-femme, qui vit à Chypre. Son avocat, interrogé par Libération, révèle aujourd'hui que les motivations de son client étaient politiques.
"Même si détourner un avion est condamnable et mérite d’être jugé et puni, ses motivations n’ont rien à voir avec une pseudo-histoire d’amour : elles sont politiques" affirme son avocat, Me Roberto Vrahimi.
Dénoncer l'affaire Regeni
Selon l'avocat du pirate de l'air, détenu depuis près de 50 jours à Chypre, son client avait des révélations à faire sur l'affaire Giulio Regeni. Cet étudiant italien de 28 ans, avait été enlevé au Caire le 25 janvier avant d'être retrouvé mort 10 jours plus tard, couvert des stigmates de multiples actes de torture. Des actes que l'opposition égyptienne attribue à la police du président Al-Sissi.
La fameuse lettre, que Seif al-Din Mohamed Mostafa a remise à la police chypriote lors de son arrestation, et qui contenait selon les autorités une déclaration d'amour à son ex-épouse, serait en fait sept pages de révélations sur le sort de cet étudiant italien. L'homme clame en effet avoir été emprisonné par le régime égyptien... dans la cellule voisine de celle de Giulio Regeni. Il assure ainsi l'avoir vu revenir plusieurs fois d'interrogatoires musclés, couvert de blessures et de marques de torture.
Le sensible question de l'asile
Le passé trouble de Seif Eldin Moustafa joue cependant contre lui. Militant de la cause palestinienne dans les années 1970, entraîné militairement en URSS et espion au Moyen-Orient, le pirate d'un jour a également passé quatre ans dans les geôles syriennes du clan al-Assad. Aujourd'hui, il n'a qu'une crainte: être extradé en Egypte.
"Cet homme a déjà été torturé. Il sait que s’il est renvoyé en Egypte, il n’en réchappera pas" explique son avocat.
Pour le moment, les autorités chypriotes ont refusé sa demande d'asile politique au motif que son acte criminel empêchait tout clémence de la part de l'île. Une décision qui pourrait jeter définitivement une chape de plomb sur l'affaire Regeni. Pourtant, son défenseur l'affirme, les motivations de son client sont nobles, même s'il reconnaît que le moyen employé était condamnable.
Il faut voir le détournement "comme un acte désespéré pour attirer l’attention sur les violations des droits de l’homme en Egypte et notamment la détention dans des conditions inhumaines de 63 femmes égyptiennes" affirme Me Vrahimi.