Benoît XVI reçu par Raul Castro à La Havane

Le pape Benoît XVI s'est entretenu mardi à La Havane avec le président cubain Raul Castro. Les deux hommes n'ont pas fait de déclaration à la presse à l'issue de leur discussion, qui devait porter sur l'amélioration des relations entre l'Etat et l'Eglise - -
par Philip Pullella et Jeff Franks
LA HAVANE (Reuters) - Le pape Benoît XVI s'est entretenu mardi à La Havane avec le président Raul Castro à un moment où l'Eglise catholique souhaite jouer un rôle accru dans l'évolution de la société cubaine.
Un peu plus tôt dans la journée, il avait prié pour tous ceux qui sont "privés de liberté", allusion apparente aux prisonniers politiques dans l'île communiste.
Benoît XVI a été reçu une heure durant par Raul Castro en fin d'après-midi au palais présidentiel. La télévision cubaine a diffusé des images tournées au début et à la fin de leur entretien.
Les deux hommes n'ont pas fait de déclaration à la presse à l'issue de leur discussion, qui devait porter sur l'amélioration des relations entre l'Etat et l'Eglise cubaine.
Fidel Castro, le père de la révolution de 1959 qui a laissé le pouvoir à son frère en 2008 en raison de ses problèmes de santé, n'était pas présent, a déclaré un porte-parole du Vatican.
Avant de rallier la capitale, le chef de l'Eglise catholique s'est rendu au sanctuaire de la Vierge de la charité d'El Cobre, près de Santiago de Cuba, dans l'est de l'île.
Dans la basilique élevée au pied de la Sierra Maestra en l'honneur de la patronne de Cuba, il a déclaré avoir "confié à la mère de Dieu l'avenir de l'île, sur la voie du renouveau et de l'espoir, pour le plus grand bien de tous les Cubains".
Il a prié devant la petite statue en bois de la Vierge à l'enfant, découverte en mer par des pêcheurs il y a tout juste 400 ans, en 1612, et vénérée depuis lors par les croyants.
Le souverain pontife a appelé les Cubains "à oeuvrer pour la justice, à être au service de la charité et à persévérer au milieu des épreuves".
Dans une prière à la Vierge, il a évoqué "les besoins de ceux qui souffrent, ceux qui sont privés de liberté, ceux qui sont séparés de ceux qu'ils aiment", faisant apparemment référence tant aux prisonniers politiques qu'aux exilés cubains.
Mercredi, le pape célébrera une messe place de la Révolution à La Havane avant de regagner Rome.
"IL N'Y AURA PAS DE RÉFORME POLITIQUE À CUBA"
Quatorze ans après le voyage historique de son prédécesseur Jean Paul II, cette visite de Benoît XVI à Cuba intervient dans un contexte de mutation du système cubain.
Mais si les structures de l'économie du pays sont en train de changer, les autorités cubaines ont rappelé en marge de la visite pontificale que le système politique qui ne reconnaît que le seul Parti communiste n'était pas appelé à bouger.
"Il n'y aura pas de réforme politique à Cuba", a dit Marino Murillo, un des vice-présidents du Conseil des ministres, lors d'une conférence de presse à l'Hôtel Nacional de La Havane, où se trouve le centre international de presse mis en place pour la venue de Benoît XVI.
"A Cuba, nous parlons de la modernisation du modèle économique cubain afin de rendre notre socialisme viable", a-t-il ajouté.
Lundi, lors d'une messe célébrée à Santiago de Cuba au premier jour de sa visite dans l'île, le pape avait appelé à l'édification d'une "société rénovée et ouverte" et pressé le régime communiste d'accorder plus de libertés à l'Eglise catholique pour qu'elle aide l'île dans cette époque de changement.
Au premier jour de ce voyage, il avait aussi plaidé pour un renforcement des relations entre l'Eglise et l'Etat "dans un esprit de coopération et de confiance, même dans les nombreux domaines où de plus grands progrès doivent être accomplis, particulièrement pour ce qui est de la contribution indispensable que la religion est appelée à apporter à la vie de la société".
Benoît XVI, qui n'a pas prévu de rencontrer les opposants cubains, avait aussi noté que "Cuba vivait un moment clef de son histoire" et, reprenant comme en écho les paroles prononcées par Jean Paul II il y a douze ans, a appelé Cuba "à s'ouvrir au monde" et "le monde à s'ouvrir à Cuba".
Depuis le rétablissement de la liberté religieuse en 1991, et plus encore le voyage de Jean Paul II en 1998, l'Eglise catholique est redevenue l'institution la plus influente sur le terrain social, en dehors du gouvernement.
C'est avec l'Eglise que Raul Castro a négocié en 2010 la libération de 130 prisonniers politiques. C'est avec elle aussi que le régime discute des conséquences sociales de la sortie progressive d'une économie de type soviétique, qui passe notamment par la suppression de centaines de milliers de postes dans la fonction publique.
Mais l'Etat et les évêques cubains s'affrontent encore sur l'accès aux médias ou l'enseignement, que l'Eglise considère comme des points fondamentaux pour le rôle qu'elle entend jouer en tant que force morale.
Avec Simon Gardner et Nelson Acosta, Guy Kerivel et Henri-Pierre André pour le service français