BFMTV
International

Attentats de Bruxelles: pourquoi la Belgique a-t-elle baissé son niveau d'alerte?

Au lendemain des attentats, le métro bruxellois est étroitement surveillé par les militaires qui fouillent tous les voyageurs.

Au lendemain des attentats, le métro bruxellois est étroitement surveillé par les militaires qui fouillent tous les voyageurs. - Philippe Huguen - AFP

Deux jours après les attentats qui ont frappé sa capitale, la Belgique a décidé d'abaisser son niveau d'alerte, suscitant la surprise et l'incompréhension. Ce comportement, toutefois, ne fait que résulter des spécificités de la lutte antiterroriste belge. Explications.

La Belgique "reste cool", selon le ministre de l'Intérieur belge Jan Jambon. Une formule qui répond à l'abaissement du niveau d'alerte dans le pays, de 4 à 3, signifiant qu'aucun élément ne permet de craindre un "attentat imminent". Si, en apparence, la Belgique calme donc le jeu, elle ne fait en réalité qu'appliquer des procédures précises, qui dictent le niveau d'alerte établi dans le pays.

Un organisme indépendant du politique

La nouvelle a surpris tout le monde, mais deux jours après les attentats de Bruxelles, la Belgique a abaissé son niveau d'alerte terroriste. En réalité, c'est l'Ocam (l'Organe de coordination pour l’analyse de la menace terroriste) qui fixe ce niveau d'alerte, indépendamment du pouvoir politique.

"L'Ocam centralise tous les renseignements relatifs à la menace terroriste et décide seul, après analyse de ces renseignements, de fixer le niveau d'alerte terroriste dans le pays" explique Thomas Renard, chercheur à l'Egmont Institute de Bruxelles et spécialiste des questions de sécurité, contacté par BFMTV.com.

"En Belgique, aucun ministre ne peut déclarer comme en France que le pays est en guerre. Si l'Ocam fixe le niveau de sécurité, alors un ministre ne peut le contredire publiquement" affirme le chercheur. Toujours selon lui, si le niveau n'a pas été élevé à 4 après l'arrestation de Salah Abdeslam, c'est que rien ne laissait présager de l'imminence d'un attentat.

"On ne peut pas exclure une erreur d'analyse de l'Ocam, mais c'est difficile à croire dans ce contexte. On pense plutôt à une erreur des services de renseignement qui n'ont pas anticipé les attentats" poursuit Thomas Renard.

Pour autant le chercheur ne croit pas vraiment à une baisse drastique de la menace terroriste. Le gouvernement belge opère par la même occasion une reprise en main de la parole politique.

Une opération de communication

Pour Corinne Torrekens, Docteure en sciences sociales et politiques à l'Université libre de Bruxelles, l'idée de "rester cool" est une "stratégie politique". "On ne comprend pas très bien la logique, c'est assez obscur" estime la chercheuse, jointe par nos soins. Une idée à laquelle s'associe également Thomas Renard, qui estime que le gouvernement belge reprend la main, et ne veut pas donner une image de panique. 

"Avec la phrase de Jan Jambon, on est clairement dans la communication, et la volonté de montrer qu'ils ont les choses en main, qu'ils occupent le champ médiatique. En novembre, avec le "lockdown", on avait reproché au gouvernement d'en faire trop" rappelle le chercheur.

Des failles à la stratégie du "cool"

Spécialiste de l'islam, Corinne Torrekens tempère cette attitude par la réalité du terrain. "On a eu des beaux moments d'union après les attentats, mais aussi des actes islamophobes qui ont été commis" raconte l'universitaire.

Les deux chercheurs s'accordent en tout cas sur une chose: la stratégie du "cool" peine à masquer les failles du renseignement belge. Failles matérialisées par les récentes propositions de démission de ministres de Charles Michel, dont celui de l'Intérieur Jan Jambon.
Paul Aveline