Drut : « Pékin, ça manque de bordel »

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Invité ce matin de Bourdin & Co, Guy Drut est revenu sur l'évolution des Jeux Olympiques depuis une vingtaine d'années. Champion olympique du 110 mètres haies en 1976, ancien ministre des Sports et actuel membre du Comité International Olympique (CIO), il porte un regard critique sur les Jeux de Pékin, qui, trop bien organisés selon lui, manquent de « spontanéité ».
Guy Drut : La première fois que je suis venu en Chine, c'était en 1974. La deuxième fois, en 1981. Ensuite, je suis venu régulièrement puisque j'accompagnai Jean-Pierre Raffarin en visite officielle durant le SRAS1. J'ai quand même vu une évolution remarquable dans ce pays. Dans une mentalité qui est différente de la notre en Occident, il faut voir l'évolution dans ce pays depuis une trentaine d'années. Ça je crois que c'est vraiment un progrès fabuleux.
Jean-Jacques Bourdin : Quand Pékin a obtenu les JO, j'ai entendu le CIO dire qu'ils allaient demander aux Chinois de faire des progrès dans le domaine de la liberté d'expression. Pensez-vous que les Chinois tiennent leurs promesses ?
Guy Drut : Ils font le maximum pour les tenir. Ça ne va peut-être pas suffisamment vite pour nous, mais je crois qu'il y a une progression. Certains, au sein du CIO souhaiteraient qu'ils aillent un peu plus vite. Mais le résultat est quand même probant. On assiste à des Jeux qui sont remarquablement organisés. Je n'ai pas l'impression qu'on ressent une chape de plomb.
Jean-Jacques Bourdin : Sont-ils trop remarquablement organisés ?
Guy Drut : C'est tout à fait possible. La sécurité a peut-être pris trop de poids. Même si objectivement ça se passe bien, ça manque un peu d'esprit latin. Appelons les choses telles qu'elles sont, ça manque de foutoir, de bordel, disons-le franchement.
Ça doit faire les septièmes Jeux que je vis. J'en ai vécus en tant qu'athlète, en tant que consultant, ministre, membre du CIO. J'enlève Munich et Montréal parce que c'était un peu différent ; il y a eu depuis une grosse évolution de l'esprit, de la pratique... Mais depuis les années 90, Barcelone, Sidney, il ya avait un vrai esprit festif ; les gens se côtoyaient dans la rue ; on faisait vraiment la fête. Athènes, c'était très bien organisé, sans faute, mais il n'y avait pas d'athéniens, pas de grecs ; vous sortiez de l'hôtel ou des stades, vous vous retrouviez dans n'importe quelle ville méditerranéenne ; c'était comme si on était à Fréjus ou à Montpellier ; il n'y avait pas de différence.
Ici, à Pékin, c'est encore un peu différent. Le gigantisme est tellement important, les dimensions des stades... que ça manque de spontanéité. Tout ce qui est autour des Jeux, les spectateurs, les athlètes quand ils ont fini, les entraîneurs, les cadres... n'ont pas de lieu précis où se retrouver. Ce qui était le cas à Barcelone et à Sidney. Et ça manque un peu à Pékin.
1 Le SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère, aussi appelé « pneumonie atypique », est apparu pour la première fois en Chine en novembre 2002, et a provoqué une épidémie mondiale en mai 2003.