En Chine, le rap dans le collimateur du pouvoir

Le rappeur chinois Naggy, en février 2018, dans son studio d'enregistrement, à Shanghai. - Johannes Eisele - AFP
En Chine, le hip-hop n'a pas sa place. Les amateurs de ce genre musical en plein essor dans le pays pourraient bien connaître des temps difficiles, les autorités chinoises cherchant à faire taire cette musique jugée "'vulgaire", rapporte Le Figaro.
Popularité soudaine et interdiction d'antenne
Arrivé tardivement en Chine, le rap s'est attiré une popularité croissante avec des artistes locaux qui ont reçu une impulsion décisive l'an dernier grâce à la retransmission sur Internet d'une compétition de type télécrochet, The Rap of China ("Le rap de Chine") qui s'est attirée des audiences en ligne très impressionnantes.
Mais les autorités ne goûtent guerre cette musique qu'elles jugent vulgaire et agressive. A tel point que celles-ci ont interdit d'antenne les deux gagnants de la compétition, qui ne peuvent donc pas passer à la télévision chinoise. Ainsi, en janvier, Zhou Yan, 30 ans, l'un de ces deux rappeurs connu sous son nom de scène "GAI", suivi par près de quatre millions d'abonnés sur Weibo, l'équivalent chinois de Twitter, avait soudainement disparu du show télévisé regardé par de nombreux téléspectateurs, Singer. Aucune explication n'avait été fournie aux téléspectateurs.
Excuses publiques
Au moment de cette affaire, les réseaux sociaux avaient spéculé sur une directive gouvernementale destinée aux télévisions chinoises pour leur interdire de donner l'antenne à "des artistes avec des tatouages, à la musique hip hop" et aux musiciens "en conflit avec les valeurs essentielles et la morale du parti".
Quant à l'autre rappeur, PG One, de son vrai nom Wang Hao, il a été vivement critiqué par la presse pour une vieille chanson, datant de 2015. Il s'y vantait de manière obscène d'avoir forcé une femme, et semblait y promouvoir l'usage de drogue. Ce rappeur de 23 ans a finalement été obligé de présenter des excuses publiques, raconte Le Figaro. Il a exprimé ses regrets d'avoir été "influencé par la culture hip-hop". Autre conséquence de ce durcissement: ses chansons ont été retirées des plateforme de musique sur Internet.
De quoi inquiéter les jeunes fans de rap chinois, qui redoutent de voir le hip-hop devenir à son tour la cible d'une vaste campagne contre les contenus jugés offensants pour le Parti communiste au pouvoir.
"C'est un signe montrant que le hip-hop va être interdit", estimait ainsi un commentateur sur Weibo, après l'éclatement de ces deux affaires. Tout en soulignant "l'esprit positif" du hip-hop malgré certaines paroles ordurières, il s'interrogeait: "le hip-hop vient d'émerger et maintenant le voilà brutalement interdit. N'est-ce pas de la régression culturelle?".
Un genre musical qui ne convient pas au Parti communiste
Présent aux Etats-Unis et en Europe depuis environ quatre décennies, le hip-hop est un genre totalement nouveau en Chine. Il était apparu au grand jour en 2017 avec la première saison sur Internet de The Rap of China, qui s'est achevée en septembre après avoir enregistré près de trois milliards de vues.
Mais l'émergence du hip-hop semble devoir se heurter au renforcement de l'emprise sur la liberté d'expression du Parti communiste soucieux de favoriser des contenus culturels patriotiques et "harmonieux", dans les médias et les arts. Outre des interdictions d'antenne et de chansons, ou des retraits de musique en ligne, la censure mise en place par le pouvoir chinois passerait également par des interdictions de concerts de rap.