BFMTV
Amérique du Nord

Faut-il retirer le bouton nucléaire à Donald Trump?

Donald Trump, le 14 novembre 2017.

Donald Trump, le 14 novembre 2017. - Erik de Castro - AFP

Des sénateurs américains, inquiets de l'éventualité de voir Donald Trump déclencher une guerre nucléaire, ont discuté de la question, mardi, au Congrès.

Donald Trump est-il trop instable pour avoir accès au bouton nucléaire? Inquiets de l'escalade avec la Corée du Nord et de la possibilité d'une guerre nucléaire entre Washington et Pyongyang, des sénateurs américains se sont réunis mardi au Congrès pour débattre de l'éventualité de retirer au président américain le bouton nucléaire. Un débat en lui-même inédit: jamais depuis 1976, en pleine Guerre Froide, cette question n'avait fait l'objet d'une audition au Congrès.

Une crainte partagée par de nombreux élus

La séance avait été organisée par le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain, Bob Corker. Ce dernier avait exprimé, en octobre dernier, la crainte que le président des Etats-Unis ne mène le pays droit "vers la troisième guerre mondiale".

Comme lui, de nombreux élus du Congrès ne cachent plus leur inquiétude à l'idée qu'une étincelle ne déclenche un conflit imprévisible avec le régime de Kim Jong-Un. En marge de sa tournée asiatique, dont il vient de revenir, Donald Trump a qualifié sur Twitter le leader nord-coréen de "petit" et "gros". Quelques semaines plus tôt, il l'avait surnommé "Rocket Man", ("l'homme fusée").

Toutefois, les sénateurs participant à cette réunion ont prudemment assuré qu'elle n'était pas consacrée spécifiquement à Donald Trump. Mais l'un d'entre eux, le sénateur démocrate du Connecticut Chris Murphy a clairement exposé leur inquiétude: "Nous craignons que le président des Etats-Unis soit si instable et si volatil, que son processus décisionnel soit si fantasque, qu'il puisse donner un ordre d'utiliser l'arme nucléaire complètement contraire aux intérêts de sécurité nationale américains", a-t-il expliqué.

Que disent les textes?

Sur la question du rapport du président aux moyens militaires, la Constitution américaine est claire: l'article 2 du texte lui confère la direction des forces armées. Il est le commandant en chef, chargé de défendre la nation contre tout danger ou menace imminente. Et seul à pouvoir déclencher le feu nucléaire.

Mais la définition de l'imminence n'est pas stricte, et c'est notamment cette question qui a occupé les sénateurs mardi. Si une fusée nucléaire est montée sur un pas de tir nord-coréen, prête à détruire une ville américaine, un tir américain serait probablement justifié, ont convenu experts et élus.

Une décision pas si individuelle

Mais comment cela se passerait-il en cas d'opération préventive, c'est-à-dire dans le cas où les Etats-Unis mèneraient la première frappe? Selon l'ancien patron du Commandement stratégique, le général Robert Kehler, cité par l'AFP, la règle militaire de base est que "l'armée est obligée d'exécuter un ordre légal" mais aussi "obligée de refuser de suivre un ordre illégal".

Selon lui, un ordre légal est un ordre dont les fondements juridiques ont été validés, selon les lois de la guerre, à savoir que toute action militaire doit notamment être nécessaire et proportionnelle. Mais quid d'une situation où le chef du Commandement stratégique juge un ordre présidentiel illégal et refuse de l'exécuter? 

En pratique, le président pourrait remplacer les réfractaires le long de la chaîne de commandement, du ministre de la Défense au chef du commandement stratégique. Ce qui entraînerait une crise institutionnelle. 

Ensuite, il est inexact de penser que le président américain pourrait décider entièrement seul, par un unique coup de téléphone, de déclencher une frappe nucléaire, sauf en cas d'extrême urgence. En effet, de nombreux services doivent coopérer, pour ce genre de manoeuvre.

Autre problème: il revient en théorie au Congrès de déclarer la guerre, selon la Constitution, bien que ce pouvoir se soit érodé, la dernière déclaration formelle remontant à la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, certains élus, outre-Atlantique, se demandent s'il faudrait restreindre par la loi les pouvoirs nucléaires du président afin de réaffirmer le rôle parlementaire

Adrienne Sigel avec AFP