Pourquoi l'élection américaine se joue sur une poignée d'Etats

La couleur politique des Etats avant l'élection - -
Aux yeux des candidats, tous les Etats ne se valent pas. Pourquoi ni Romney ni Obama ne se rendent dans le Montana alors qu’ils ont visité à eux deux près de 80 fois la Virginie ? En fait, la campagne américaine n’a vraiment lieu que dans une quinzaine d’Etats, les fameux "swing states", plus quelques-uns au résultat un peu moins prévisible que les autres.
Le système électoral indirect est largement responsable de cette dynamique de campagne. Aux Etats-Unis, les citoyens de chaque Etat votent en faveur d’un candidat. Celui qui arrive en tête rafle la totalité du vote des grands électeurs de cet Etat.
Au final, le vainqueur est celui qui réussit à gagner 270 grands électeurs sur les 538 répartis sur tout le pays.
Pourquoi ne pas aller dans le Montana ?
Au moment où chaque dépense est décisive, aller faire campagne dans le Montana ne serait rien de plus qu’un dangereux gaspillage, pour l’un comme pour l’autre des candidats. Non pas que les opinions politiques de ses habitants n’aient aucune importance, mais parce que cet Etat est tout dévoué à la cause républicaine : quoi que puisse faire Obama, les électeurs y voteront en majorité pour Romney.
Avec le système des grands électeurs, quand Romney gagne le Montana, c’est comme si tout le monde avait voté républicain, on appelle ça le "winner takes all". Qu’Obama emporte 3% ou 49% des suffrages ne change rien au résultat final : les trois grands électeurs voteront tous républicain. Faire campagne dans un Etat où le résultat est donné d’avance est donc une perte de temps.
Or, les fonds de campagne ne sont pas une manne inépuisable, même s’ils tendent à battre des records, élection après élection. Plus nous nous rapprochons de l’échéance du 6 novembre, plus les moyens sont utilisés avec parcimonie.
Pourquoi aller en Ohio ?
Si la campagne ne se fait pas dans les Etats aux convictions politiques solidement implantées, c’est qu’elle se fait dans les zones les plus indécises. L’électorat de l’Ohio est beaucoup plus hétérogène que celui du Montana. La tradition veut d’ailleurs qu’il représente fidèlement l’ensemble du pays, et s’appuie sur le fait que celui qui a remporté cet Etat a toujours remporté l’élection depuis 1964.
Aucun des deux candidats ne renoncera à cet Etat. Il y ont déjà investi 147 millions de dollars à eux deux, et s’y sont rendus près de 110 fois, eux ou leurs représentants. Les 18 grands électeurs de cet Etat pourraient bien être l’élément décisif de la campagne, comme l’ont été la Floride en 2000 et 2004, ou la Caroline du Nord en 2008.
Cette année, les sondages d’intentions de vote mettent en relief sept swing states : la Floride (29 grands électeurs), l’Ohio (18 grands électeurs), la Virginie (13 grands électeurs), le Wisconsin (10 grands électeurs), le Colorado (9 grands électeurs), l’Iowa (6 grands électeurs) et le New Hampshire (4 grands électeurs). La carte des déplacements et celle des investissements des candidats confirment que leur stratégie s’appuie surtout sur ces Etats (voir la carte ci-dessous).
>> Sur la carte, la couleur politique de chaque Etat basée sur les sondages. En vert, les swing states. Cochez dans le menu pour faire apparaître les informations.
Pourquoi les swing states ne sont pas toujours les mêmes ?
La distribution des swing states varie tous les quatre ans parce que leur sociologie n’est pas figée. La Caroline du Nord et la Virginie, traditionnellement très républicains, deviennent de plus en plus démocrates à mesure que la production high-tech s’y développe. Dans le Sud-Ouest du pays, la sensibilité démocrate avance avec l’installation croissante de la population immigrée.
Des Etats comme la Pennsylvanie sont très hétéroclites, entre les centres urbains à forte dominante démocrate que sont Philadelphie et Pittsburgh, et le reste du territoire, rural et solidement républicain.
L’importance de ces Etats pivots est que le président américain est toujours élu avec une très courte majorité. Si moins de 500 votes ont mené Georges W. Bush dans le Bureau ovale en 2000, seules 450.000 voix bien placées auraient pu faire perdre Obama en 2008.
Mais attention : qu'un président gagne contre le vote populaire est une exception dans l'histoire électorale américaine. Globalement, le vote des grands électeurs tend à représenter assez efficacement l'opinion publique. Les sondages nationaux gardent ainsi tout de même un certain intérêt.