BFMTV
Photo prise le 22 novembre 1963, du convoi du président américain J. F. Kennedy juste avant son assassinat à Dallas (Texas, États-Unis).

AFP

Documents déclassifiés, théories du complot... Pourquoi la mort de JFK fait encore l'objet de tous les fantasmes

Donald Trump a ordonné une nouvelle déclassification des archives gouvernementales sur l'assassinat de John F. Kennedy. Soixante ans après, la mort du président continue de fasciner et d'alimenter de multiples théories.

Les derniers secrets d'un des plus grands mystères de l'histoire américaine enfin révélés? C'est ce qu'espèrent certains Américains et autres détectives en herbe après l'annonce par Donald Trump de la déclassification des archives du gouvernement américain sur l'assassinat du président John F. Kennedy en 1963, en même temps que celles sur la mort de son frère Robert F. Kennedy et de Martin Luther King Jr.

Au début des années 1990, le gouvernement fédéral avait ordonné que tous les documents liés à ces assassinats soient conservés dans une seule collection au sein des Archives nationales. Elle ne devait être ouverte au public qu'à partir de 2017, sauf dérogation spéciale du président - des milliers de documents ont été publiés cette année-là, mais d'autres restaient encore inaccessibles, les autorités invoquant des risques pour la sécurité nationale.

Après une première vague de déclassification pendant son premier mandat, puis une autre sous Joe Biden, Donald Trump a ordonné par décret la "publication complète et intégrale de tous les dossiers relatifs à l’assassinat de John F. Kennedy".

"Il est temps que le peuple américain connaisse la VÉRITÉ", peut-on lire dans le texte du décret.

Selon les Archives nationales, 99% des 320.000 documents - soit quelque cinq millions de pages - sont déjà accessibles à tous. Ce mardi, le FBI a indiqué avoir mis la main sur 2.400 nouveaux documents et annoncé leur transfert aux Archives nationales.

Des conclusions controversées

Le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy est abattu dans sa décapotable lors d'une visite à Dallas. Deux balles traversent son corps: l'une au cou, l'autre, fatale, à la tête. La commission d'enquête officielle, nommée commission Warren, conclut en 1964 à la culpabilité de Lee Harvey Oswald, un ancien commando marine qui avait vécu en Union soviétique et soutenait le régime castriste à Cuba.

Mais de nombreux documents et témoignages - notamment sur un éventuel second tireur - sont venus mettre en doute la thèse officielle. En 1979, une commission d'enquête parlementaire remet en cause cette première version et affirme que Lee Harvey Oswald a agi dans le cadre d'une "conspiration" contre le président démocrate, impliquant au moins un autre suspect. Le vice-président et successeur de Kennedy, Lyndon Johnson, a lui-même affirmé n'avoir "jamais cru qu'Oswald a agi seul".

Lee Harvey Oswald, le tueur présumé de John F. Kennedy, le 22 novembre 1963 après son arrestation à Dallas, deux jours avant son assassinat
Lee Harvey Oswald, le tueur présumé de John F. Kennedy, le 22 novembre 1963 après son arrestation à Dallas, deux jours avant son assassinat © STRINGER / AFP

Au-delà de l'organisation de l'assassinat, c'est la question de potentiels commanditaires qui intrigue. Le meurtrier présumé ayant été lui-même assassiné avant son procès par Jack Ruby, un gérant de boîte de nuit, il n'a pas pu livrer ses secrets.

Crise de confiance

Soixante ans plus tard, la mort du plus jeune président des États-Unis reste donc entourée de mystères. Et continue de passionner les Américains. "C'est un événement structurant pour l'opinion publique américaine, car c'est l'un des premiers moments où l'on voit une rupture de confiance entre les citoyens américains et l'appareil politique, le second étant l'affaire du Watergate", contextualise pour BFMTV.com July Giry, chercheur en science politique et spécialiste du complotisme.

Selon un sondage Gallup réalisé en 2023, 65% des Américains ne croient pas aux conclusions de la commission d'enquête officielle et estiment que Lee Harvey Oswald n'a pas agi seul. Des chiffres qui ne surprennent pas Julien Giry, le manque de transparence sur l'affaire dans les premiers mois de l'enquête ayant créé un terreau fertile aux versions alternatives.

"Il n'y a pas de doute sur le fait qu'il y ait eu des tentatives de dissimulation de la part de l'appareil d'État", estime le chercheur, qui appelle à utiliser le mot de "complotisme" avec prudence.

"Il n'y a rien de délirant à ne pas vouloir croire la version de la commission Warren. Ces 65% d'Américains ne sont pas des complotistes au sens où ils adhérent de façon idéologique à un système de pensée qui façonne leur vision du monde", poursuit-il.

Des théories à n'en plus finir

Qui et pourquoi a-t-on tué Kennedy? Faute de réponse claire, de nombreux livres et documentaires sortent chaque année sur cette affaire, chacun prétendant détenir la vérité. Avec le 11-Septembre, l'assassinat de JFK est l'un des événements historiques qui ont fait couler le plus d'encre aux États-Unis.

Implication de l'URSS, de Cuba, de la mafia de Chicago, voire du vice-président Lyndon Johnson... Des centaines de théories du complot existent, certaines plus farfelues que d'autres. "Il y a chez certains l'idée que JFK aurait été assassiné parce qu'il allait révéler l'existence des aliens", illustre Julien Giry.

"La CIA a tué JFK": un manifestant devant le mémorial John F. Kennedy à Dallas (Texas, États-Unis), à l'occasion du 50e anniversaire de l'assassinat de l'ancien président, le 22 novembre 2013.
"La CIA a tué JFK": un manifestant devant le mémorial John F. Kennedy à Dallas (Texas, États-Unis), à l'occasion du 50e anniversaire de l'assassinat de l'ancien président, le 22 novembre 2013. © TOM PENNINGTON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

En 2016, l'arrivée au pouvoir de Donald Trump booste les milieux complotistes et relance les théories les plus folles. "Il y a chez lui une volonté de réveiller les vieux fantasmes et d'instiller le doute", explique à BFMTV.com le spécialiste des États-Unis Dominique Simonnet. "Ils fonctionnent avec les fake news et les sous-entendus parce que ça flatte une partie de son électorat."

En 2021, des militants du mouvement conspirationniste pro-Trump QAnon se sont réunis à Dallas le jour anniversaire de la mort de Kennedy. Ils croyaient que son fils JFK Jr, tué dans un crash d'avion en 1999, allait y réapparaître.

Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, les partisans de la thèse du complot sont désormais installés au plus haut niveau de l'État. Son ministre de la Santé Robert Kennedy Jr, neveu de JFK, a fait état par le passé de "preuves accablantes de l'implication de la CIA", l'agence de renseignement américaine, dans l'assassinat de son oncle. Il a aussi évoqué des indices "très convaincants" de l'implication supposée de la même CIA dans celui de son père Bobby en 1968.

Le jour de la signature du décret de Donald Trump, cette figure des anti-vaccins a dénoncé la "stratégie de mensonges et de secret, de désinformation, de censure et de diffamation employée depuis 60 ans par les responsables du renseignement pour obscurcir et supprimer les faits troublants".

Un mystère qui devrait encore s'épaissir

Si aucune preuve formelle ne vient totalement corroborer la version d'un Lee Harvey Oswald qui aurait agi en loup solitaire, rien ne confirme celle d'un complot. La déclassification des dernières archives va-t-elle clore l'affaire? Au contraire, estime le chercheur Julien Giry.

"Lors de la première déclassification sous Donald Trump, on avait déjà assisté à un soubresaut dans la complosphère", explique-t-il. "C'est tout le paradoxe: à chaque nouveau document déclassifié, des gens vont s'en emparer et proposer de nouvelles théories alternatives." "Les documents officiels sont la meilleure source de production de discours conspirationnistes", développe le spécialiste du phénomène complotiste.

Un bouquet de fleurs et une photo de John F. Kennedy déposé au mémorial consacré au président assassiné, à Dallas, le 21 novembre 2013
Un bouquet de fleurs et une photo de John F. Kennedy déposé au mémorial consacré au président assassiné, à Dallas, le 21 novembre 2013 © TOM PENNINGTON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Qu'attendre alors de ces derniers documents? Plus grand chose, à en croire les spécialistes du dossier. "Quiconque attend une preuve irréfutable qui va bouleverser cette affaire sera profondément déçu", a déclaré à l'agence Associated Press le journaliste d’investigation Gerald Posner, auteur d'une enquête à succès sur l'assassinat de JFK.

Certaines données déclassifiées ont déjà montré que le FBI avait échoué à protéger le président, mais sans pour autant démontrer son implication dans l'assassinat. "La seule chose qu'on peut attendre des dernières archives, ce sont des informations sur le rôle de la CIA et du FBI dans la surveillance de Lee Harvey Oswald", pointe Dominique Simonnet. "Il semble qu'il y ait eu beaucoup de négligences alors que c'était quelqu'un d'identifié comme dangereux."

Jack Schlossberg, unique petit-fils de JFK, n'attend rien de ces nouvelles révélations.

"La vérité est bien plus triste que le mythe – une tragédie qui n'avait pas lieu de se produire", a-t-il réagi en janvier sur son compte X (depuis supprimé).

"Elle ne fait pas partie d'un grand complot inévitable", poursuivait-il. "La déclassification, c'est utiliser JFK comme un accessoire politique, alors qu'il n'est pas là pour riposter."

François Blanchard