Attentat de Boston: un "terrorisme tchétchène"?

Un portrait de Djokhar A. Tsarnaev, le plus jeune des deux suspects dans les attentats de Boston, diffusé par le FBI - -
Cinq jours après le double attentat du marathon de Boston, l’enquête a connu une grande avancée vendredi avec l’identification des deux hommes suspectés d’être les poseurs des deux bombes qui ont fait trois morts et 176 blessés. Deux hommes qui orientent désormais les autorités vers la piste islamiste. Explications.
Qui sont les deux suspects?
Les autorités américaines ont confirmé vendredi à la mi-journée l’identité des deux hommes. Il s’agit de deux frères, Djokhar A. Tsarnaev et Tamerlan Tsarnaev, d'origine tchétchène. Le premier, âgé de 19 ans, est toujours en fuite et recherché par la police. Le second, âgé de 26 ans, est mort vendredi après une fusillade avec les forces de l’ordre. L'aîné est celui que le FBI avait appelé jeudi "suspect numéro 1", qui portait une casquette noire sur des photos publiées par la police fédérale.
Pourquoi la piste jihadiste est-elle privilégiée?
"Le mode opératoire, la confection des explosifs et la cible visée qui était une foule ressemblent beaucoup à ce que nous avons pu connaître précédemment en Occident", analyse Dominique Thomas, spécialiste des mouvements jihadistes. Autant d’éléments qui favorisent la piste jihadiste sur celle d’un extrémisme blanc selon lui.
L'origine tchétchène des deux frères a-t-elle un lien avec l'attentat?
Le parcours des deux frères intéresse les autorités américaines. D’origine tchétchène, ils vivaient aux Etats-Unis depuis plusieurs années, selon un responsable du conseil de sécurité nationale. "Mais leur origine tchétchène n’est pas en soi une revendication, tempère Silvia Serrano, spécialiste du Caucase au Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (Cercec). Si une jonction était faite avec le conflit tchétchène, cela constituerait une nouveauté car la résistance tchétchène ne s’est jamais internationalisée."
"Ce n’est pas la première fois que l’on voit des Tchétchènes dans le jihad international, rappelle de son côté Dominique Thomas. Si leur combat s’est plutôt centré sur le territoire russe, certains combattants tchétchènes ont été retrouvés en Afghanistan et en Syrie. Ils peuvent donc tout à fait s’internationaliser et combattre sur d’autres fronts."
Pourquoi des tchétchènes s'en prendraient-ils aux Etats-Unis?
"Il n’y a rien qui, dans ce qu’a été la résistance tchétchène, expliquerait que des combattants cherchent à agir en dehors de la Russie", perçue comme le véritable ennemi des Tchétchènes, souligne encore Silvia Serrano. Ce n’est donc pas pour exporter leur conflit territorial avec la Russie. Mais une action est possible dans le cadre d’un jihad personnel ou organisé, indépendant du conflit au Caucase. "Les Etats-Unis restent une cible privilégiée pour les terroristes, estime Dominique Thomas. Avec un objectif clair: montrer aux Américains et au monde entier qu’ils sont capables de frapper au cœur de la société américaine et pas seulement des endroits symboliques comme le World Trade Center ou le Pentagone."
Y a-t-il un lien entre Tchétchénie et jihad?
Territoire musulman, la Tchétchénie est de tradition soufie, bien loin de l’extrémisme religieux. Mais le conflit qui a opposé le pays à la Russie s’est nourri d’une forme de jihadisme. "L’islamisation de la résistance tchétchène est ancienne. Elle remonte à la première guerre en 1994. A l’origine séparationniste, ce conflit a évolué à mesure que les premiers combattants étaient réprimés et tués. Puis d’autres acteurs, financés par des réseaux jihadistes, se sont impliqués dans le conflit, explique Silvia Serrano. Avec la reprise de la guerre en 1999, la rhétorique de la guerre a intégré des éléments d’islamisation." "Il y a eu une hybridation entre les combattants tchétchènes les plus radicaux et des combattants jihadistes", confirme également Dominique Thomas.
Pas de quoi craindre un "terrorisme tchétchène" toutefois. "Les combattants tchétchènes ont été éradiqués par la Russie au milieu des années 2000. Je ne crois donc pas que l’on puisse s’orienter vers un réseau jihadiste organisé tchétchène", estime Dominique Thomas. Pour lui, il faut donc plutôt regarder du côté d’un jihad islamiste sans lien avec la Tchétchénie. "Soit il s’agit de deux individus radicalisés mais isolés, soit ils ont été enrôlés dans une organisation transnationale de type al-Qaïda." Un avis également partagé par Silvia Serrano. "Cela semble être des itinéraires individuels, qui ne s’inscrivent pas dans un cadre politique".
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