Comment expliquer l'échec de Trump sur la réforme de l'Obamacare ?

Donald Trump - MANDEL NGAN / AFP
Il en avait pourtant fait l’un de ses totems de campagne. Mais abroger l’Obamacare pour le remplacer par un Trumpcare n’a pu être possible. Donald Trump a finalement demandé de retirer le projet de réforme.
Dénoncée par les Démocrates, l’idée n’a pas non plus fait son chemin au sein même des Républicains, auprès de qui on peut trouver des représentants inquiets pour la santé des Américains et d’autres pour qui la réforme n’est pas assez ambitieuse.
Le président s’est dit "déçu". Il s’agit de bien plus : une défaite personnelle et un échec à rassembler. Avec la réforme du système de santé, ce sont les divisions idéologiques et stratégiques du parti républicain qui sont ainsi remontées à la surface. Elles fragilisent aussi le nouvel hôte de la Maison Blanche.
"Trump ne comprend pas ces divisions"
Le manque de majorité ? Donald Trump l'explique en mettant en cause les élus de l'opposition. Mais il n'a pas non plus su convaincre sa propre famille politique. "Le parti républicain a beaucoup de lignes de fracture, qui partent dans de multiples directions. Chacune peut provoquer un séisme", explique ainsi John Pitney, professeur de politique américaine à l'université Claremont McKenna College.
"Trump va avoir du mal à gérer ces divisions car il ne les comprend pas. Il faut qu'il comprenne mieux le Congrès et les politiques publiques", prévient le chercheur, qui doute qu'il y parvienne. N'est donc pas Frank Underwood qui veut, le personnage de la série "House of Cards" qui manoeuvre et ferraille pour obtenir les majorités.
Pourtant, Donald Trump dispose de voyants au vert. Pour la première fois depuis 2006, quand sous la présidence de George W. Bush la majorité des Républicains a été perdu au Congrès, ceux-ci ont repris en 2017 tous les rênes du pouvoir américain.
Les ultra-conservateurs peu enclins à la discipline de groupe
Le nouveau président a certes conclu un pacte avec les dirigeants du parti, dont Mith McConnell et Paul Ryan, le président de la Chambre, leur confiant de facto le projet législatif de 2017.
Mais le milliardaire a parallèlement rasséréné les ultra-conservateurs, qui se retrouvent depuis 2015 au sein du "Freedom Caucus". Ses membres (une grosse trentaine à la Chambre, sur 237 républicains) se réclament du milliardaire et ont négocié directement avec lui toute la semaine, au risque de saper l'autorité de Paul Ryan.
"Depuis trois mois, nous essayons d'être un parti de gouvernement, où il nous faut vraiment mettre d'accord 216 personnes", a expliqué le speaker vendredi. "Nous y arriverons, mais nous n'y sommes pas encore", a-t-il dit, admettant que "c'est une crise de croissance".
La leçon de l'épisode santé est que le bloc des ultra-conservateurs, le Freedom Caucus, continue à privilégier la pureté idéologique à la discipline de groupe.
D'autres réformes et votes menacés ?
Comment ces parlementaires se comporteront-ils quand Donald Trump leur demandera de financer le budget, avant la fin avril, de relever le plafond de la dette à l'automne ou de voter pour son grand plan d'investissement dans les infrastructures ? Approuveront-ils la réforme fiscale préparée par Paul Ryan, ou exigeront-ils des concessions supplémentaires ?
"Je ne crois pas que ce soit un prologue à d'autres choses, car nos membres savent que nous avons plus de points d'entente sur d'autres parties de notre projet", a voulu rassurer Paul Ryan. "C'est complètement différent", a abondé l'un des rebelles, Mo Brooks. "Ne jamais dire jamais, la démocratie c'est compliqué, mais ça finit par marcher", dit un élu texan, Joe Barton.
La prochaine réforme engagée devra donc impérativement réussir, affirme Larry Sabato, directeur du centre politique de l'Université de Virginie. "Ce n'est pas la fin de tout, mais c'est le début de la mise à l'épreuve de Trump", estime-t-il.