Soudan du Sud : il retrouve sa mère trois ans après leur séparation forcée

Emmanuel Samuel, 17 ans, retrouve sa mère Georgina Pagan à Aburoc, au Sud-Soudan, le 5 juin 2017 - ALBERT GONZALEZ FARRAN / AFP
L'étreinte est longue, émouvante, maladroite: Jorgina, des larmes plein les yeux, peine à serrer son fils Emmanuel dans ses bras tant celui-ci a grandi depuis que le conflit au Soudan du Sud les a séparés. C'était il y a plus de trois ans et demi. Longtemps sans nouvelles de sa famille, le jeune homme de 17 ans qui mesure désormais 2 mètres vient de retrouver sa mère, elle-même déplacée par la guerre, dans son Etat natal de l'Upper Nile, frontalier du Soudan.
Fin 2013, Emmanuel suivait sa scolarité à Malakal, alors deuxième ville du pays, non loin du berceau familial de Kodok où se trouvaient ses parents. Le 24 décembre, quelques jours après le début des hostilités opposant les troupes du président Salva Kiir à celles de son ex-vice-président Riek Machar, il fuit une offensive rebelle sur Malakal. "J'ai marché jusqu'à Kodok. Ça m'a pris deux jours et là j'ai retrouvé ma famille", raconte Emmanuel.
"Quand je suis rentré à la maison, mes parents n'y étaient plus"
Emmanuel raconte sa surprise peu de temps après son retour: "On m'a envoyé faire des courses au marché et quand je suis rentré à la maison, mes parents et mes proches n'y étaient plus". La petite ville bruissait alors de rumeurs sur l'imminence d'une offensive et sa famille, comme de nombreux habitants, venait de fuir précipitamment.
"Je suis resté trois jours à la maison mais personne ne s'est présenté".
Alors Emmanuel est reparti à Malakal et, sur la foi d'un témoignage suggérant que ses parents avaient peut-être gagné la capitale, il est parvenu à monter à bord d'un avion du gouvernement, direction Juba. Là-bas, il entre en contact avec une connaissance de Kodok, qui à son tour le met rapidement en lien avec Lena Ngor, issue comme lui de l'ethnie Shilluk.
"Je l'ai d'abord appelé pour lui dire que j'allais essayer de trouver sa famille. Et quand j'ai vu que je n'y arrivais pas, je lui ai dit de venir s'installer chez nous", explique la jeune femme de 34 ans.
C'est chez cette ancienne journaliste devenue entre-temps secrétaire qu'Emmanuel a vécu jusqu'à ce que Lena, via un de ses collègues de travail, parvienne à localiser courant mars la famille d'Emmanuel.
"Je ne savais pas si je le reverrais un jour"
Début juin, avec l'aide du Comité international de la Croix-Rouge, Emmanuel a finalement gagné Aburoc, un village abritant plus de 10.000 déplacés, et c'est au bord d'une piste d'atterrissage sommaire que le garçon a retrouvé sa mère et son oncle paternel.
"Je ne savais pas si je le reverrais un jour, à cause de la guerre. J'ai deux enfants seulement. Et maintenant qu'il est là, toutes les mauvaises choses se sont envolées. Je me sens tellement heureuse et légère", témoigne la maman, Jorgina Pagam Obur.
La guerre civile au Soudan du Sud, déclenchée en décembre 2013, deux ans et demi après l'accession du pays à l'indépendance, a fait des dizaines de milliers de morts et poussé plus de 3,7 millions d'habitants à fuir leurs foyers: 1,8 million sont réfugiés dans les pays voisins. Elle a également disloqué des milliers de familles qui, prises dans les combats et les mouvements de fuite, ont perdu de vue un parent, souvent un enfant.