Une choc sur l'homosexualité: face à la polémique, Maroc Hebdoretire le magazine de la vente

Face à la polémique suscitée par sa Une, "Maroc Hebdo" a été retiré de la vente. - Maroc Hebdo - montage BFMTV.com
Depuis jeudi soir, la reproduction de la Une a fait le tour des réseaux sociaux, suscitant choc et indignation. L'hebdomadaire Maroc Hebdo signe, pour son numéro daté de ce vendredi 12 juin, une première page choc sur l'homosexualité, en plein climat de tensions sur la question au sein du royaume.
"Faut-il brûler les homos?" interroge ainsi le journal dans son titre principal, placardé sur la photo d'un couple gay, visiblement heureux. "Le ministère de la santé appelle à la dépénalisation de l'homosexualité au Maroc. Certes, c'est un droit individuel. Mais, quid de la morale et des valeurs religieuses?", peut-on lire en guise de surtitre. Face à la polémique, la direction de l'hebdomadaire a décidé de retirer le journal de la vente, selon nos informations.
Indignation générale
Sur la page Facebook officielle de Maroc Hebdo International, une pluie de commentaires indignés, en provenance du Maroc et de France, a suivi le partage de la couverture par la rédaction, jeudi. "Mais vous-êtes stupides?", "Vous incitez au crime", "Incitation au meurtre? Je n'ai pas le souvenir d'avoir été autant choqué par une Une", ont notamment écrit les internautes, parmi plus de 300 commentaires.
D'autres ont également rappelé à l'hebdomadaire que l'incitation à la haine et à la violence est interdite par l'article 23 de la Constitution marocaine. Depuis, le post Facebook a été supprimé. Sur Twitter, choc et dégoût ont accompagné le partage de la couverture du journal.
Depuis, les médias, marocains, français et même anglophones, se sont saisis de la polémique. Mais face au bad-buzz grandissant, le journal semble avoir voulu calmer le jeu et justifier sa démarche, en donnant un aperçu du contenu intérieur du magazine, sur sa page Facebook.
Ainsi, malgré le ton ultra-provocateur de sa Une, le dossier se révèle en réalité beaucoup plus soft, opposant les points de vue, soulevant les questions que pose l'homosexualité dans un pays tiraillé entre tradition religieuse et modernité, et donnant même la parole à l'écrivain et militant Abdellah Taïa, ouvertement homosexuel.
Retiré de la vente
Contactée par nos soins ce vendredi, la direction de la rédaction de Maroc Hebdo a pris la décision de retirer le journal de la vente, face à l'explosion de la polémique. "L'affaire est dépassée et close dans la mesure où nous avons décidé de notre chef de retirer le numéro des kiosques", nous indique ainsi Mohamed Selhami, le directeur de la rédaction de Maroc Hebdo, qu'il a fondé en 1991. Le magazine a ainsi publié un communiqué sur sa page Facebook, dans lequel il présente ses excuses.
"Nous avons pris cette décision par respect envers tous ceux qui ont été choqués, et ils sont nombreux, partout dans le monde", explique à BFMTV.com Mohamed Selhami. "Ils ont réagi, parfois avec beaucoup de virulence, à l'égard de ce titre, avant même qu'ils ne lisent l'article, puisque nous avons publié la couverture sur Facebook et Twitter, mais l'article a suivi dès l'explosion de la polémique, quelques heures plus tard. D'habitude, nous ne mettons le contenu sur les réseaux qu'une semaine après, pour permettre la vente. Mais cette fois-ci, pour mettre fin à la polémique, nous avons publié l'article en question".
Et Mohamed Selhami d'insister: "Au nom du respect, et vis-à-vis de ceux qui se sont sentis choqués, qu'ils soient homosexuels ou non, nous avons pris cette décision. On ne pouvait pas l'ignorer, et si c'était à refaire, on ne le referait pas".
Quant au choix du titre, le journaliste reconnaît une "erreur". "Tout le monde nous l'a reproché, en nous disant qu'on a été un peu loin", explique-t-il. "On ne cherche pas le sensationnalisme. C'est un titre qui est venu comme ça, qui fait référence à une expression, à un terme journalistique. Mais il est certain que je ne le referai plus". Mohamed Selhami ajoute toutefois reconnaître un "côté positif" à cette affaire, celui de poser la question de l'homosexualité "au grand jour".
Un premier scandale en 2012
Maroc Hebdo n'en est pas à son premier coup d'éclat. En novembre 2012, le magazine avait déjà scandalisé les Marocains avec sa Une consacrée à l'immigration des Africains d'origine subsaharienne titrée "Le péril noir", qui lui avait valu des accusations de racisme, et déjà à l'époque, des appels au boycott. Plus récemment, en janvier dernier, après les attentats de Paris, Maroc Hebdo avait opté pour le titre "Je suis Mahométan", accompagné d'une photo de la Kaaba, symbole du pèlerinage à La Mecque.
Hebdomadaire francophone basé à Casablanca, tiré à 15.000 exemplaires selon les chiffres 2014 de l'OJD Maroc, diffusé à l'intérieur du Maroc et dans plusieurs pays à l'extérieur, parmi lesquels la France, Maroc Hebdo a été créé en 1991 par le journaliste Mohamed Selhami, un ancien de Jeune Afrique, qui le dirige toujours aujourd'hui.
Aucun "racisme"
Le magazine, qui se dit indépendant, s'adresse, selon Courrier international, aux "cadres, aux intellectuels et aux étudiants marocains, du Maroc comme de la diaspora". Il serait par ailleurs "l'un des leaders de l'information politique" dans le pays, qui s'intéresse aux "mutations sociales et politiques qui s'opèrent dans le Maroc d'aujourd'hui". En France, ses prises de position en Une lui valent en tout cas d'être comparé au Point, à Valeurs Actuelles ou encore à Minute.
Invité par BFMTV.com à réagir à cette dernière comparaison, Mohamed Selhami se défend de tout "racisme". "Cette Une ("Le péril noir", NDLR), dont le titre était effectivement excessif, visait à évoquer un problème que rencontre le Maroc, qui est toujours posé aujourd'hui. On avait soulevé le problème à notre manière, mais c'est peut-être cette manière là qui gêne. Mais ça n'a rien à voir avec Minute ni avec Valeurs Actuelles".