Tortures en Libye : la justice va enquêter sur la société française Amesys

La justice va devoir mettre au clair les liens entre Kadhafi et Amesys. - -
Un juge d'instruction va pouvoir enquêter pour déterminer si la société française Amesys s'est rendue complice de torture en Libye en fournissant un matériel de surveillance de communications en 2007 au régime de l'ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
Le parquet de Paris avait fait appel de la décision prise en mai par une juge d'enquêter sur les accusations de la Fédération internationale des droits de l'homme et la Ligue des Droits de l'homme contre Amesys.
Cet appel a été rejeté mardi par la cour d'appel de Paris et l'instruction va pouvoir entrer dans une phase active, selon Me Patrick Baudouin, avocat et président d'honneur de la Fédération des droits de l'Homme.
Une surveillance de la nation
Des journalistes du Wall Street Journal étaient entrés le 29 août 2011, lors de la libération de Tripoli, dans le bâtiment où le régime libyen surveillait les communications. Ils y avaient trouvé des manuels rédigés en anglais portant le logo d'Amesys, filiale du groupe informatique français Bull, et des retranscriptions de conversations privées sur internet.
Après cette découverte, la Fédération et la Ligue des droits de l'Homme avaient déposé en octobre 2011 une plainte pour complicité de torture visant Amesys et en particulier la vente et le déploiement de son système de surveillance Eagle au régime de Kadhafi en 2007.
Pour les plaignants, ce système "permet d'intercepter l'ensemble des communications online et offline à l'échelle d'une nation mais également de traiter les informations recueillies afin de cibler, parmi la population civile, un groupe selon des critères définis par l'utilisation du système".
Cinq victimes de tortures veulent témoigner
De son côté, Amesys avait reconnu en septembre 2011 avoir signé quatre ans plus tôt avec les autorités libyennes un contrat mais en assurant qu'il "concernait la mise à disposition d'un matériel d'analyse portant sur une fraction des connexions internet existantes, soit quelques milliers".
Elle avait souligné que le contrat avait été signé dans un contexte de "rapprochement diplomatique" avec la Libye, en référence à la visite de Kadhafi en France fin 2007, et elle avait "très fermement" contesté l'accusation de complicité de torture.
Parallèlement, cinq victimes de torture libyennes, des blogueurs d'opposition, se sont constituées parties civiles le 10 janvier dans cette enquête. "Elles avaient été arrêtées et torturées par le régime en place et leur arrestation était directement liée à leur surveillance par le système livré par Amesys", a dit Me Baudouin.
Mouammar Kadhafi est mort le 20 octobre 2011 et son régime renversé après l'intervention de la France et de la Grande-Bretagne en soutien de la rébellion.